Mondes parallèles
A travers la vie imaginaire de Phoebus K. Dank, Christopher Miller rend hommage à la science- fiction dans un livre en trompe l’oeil aussi malin que potache.
Bien sûr, vous connaissez Philip K. Dick. Mais avez- vous déjà entendu parler de Phoebus K. Dank, son double obscur, également écrivain de science- fiction ? Non, certainement pas. Heureusement, le nouveau roman de l’Américain Christopher Miller vient réparer cette injustice. Ou plutôt le livre qu’il contient, à savoir une encyclopédie du monde de Phoebus K. Dank, coécrite par William Boswell, son biographe attitré, et Owen Hirt, son meilleur ennemi.
Présenté sous forme d’abécédaire, ce guide à quatre mains offre une plongée dans la vie – triste et ridicule – et l’oeuvre – prolifique et ridicule – de Dank, qui partage de nombreux points communs avec Philip K. Dick ( en réalité, un personnage inventé par Dank) : soeur jumelle, névroses multiples, mariages ratés, addictions – le talent en moins.
Les deux coauteurs, aux “différences de ton franchement discordantes”, s’invectivent par notes de bas de page interposées, Boswell allant jusqu’à accuser Hirt du meurtre de Dank, retrouvé dans un bain de sang par une tragique nuit de juin 2006. Mais la vénération inconditionnelle de Boswell pour son objet d’étude finit par apparaître aussi suspecte que la haine fielleuse et délectable de Hirt.
Dans un jeu de mise en abyme délirant et très borgésien, Christopher Miller s’amuse avec les codes romanesques, mêle allègrement parodie de biographie savante, hommage attendri et érudit à la SF, avec moult Martiens et pisto- lasers, et enquête policière. Même le traducteur, Claro, vient mettre son grain de sel dans des notes absurdes, histoire de brouiller encore un peu plus les pistes de ce livre schizoïde peuplé de doubles, d’échos et d’alter ego.
Comme dans Variations en fou majeur, premier roman de Miller paru en 2004, on retrouve dans L’Univers de carton, et de façon plus appuyée, l’influence de Feu pâle de Nabokov, modèle insurpassable de livre en trompe l’oeil autour d’une oeuvre et d’un auteur fictifs. Tout est faux sans être toc dans cet Univers de carton, d’une authentique et irrésistible drôlerie. Elisabeth Philippe L’Univers de carton ( Cherche midi/ Lot 49), traduit de l’anglais ( Etats- Unis) par Claro, 633 pages, 23,80 €