Chronique d’un massacre
Une fresque mêlant archives et saynètes de fiction montre le peuple à l’oeuvre sur les divers fronts du dévastateur conflit de 14- 18.
Atravers huit épisodes de 52 minutes, ce docu- fiction se propose d’“adopter le point de vue de ceux qui ont vécu” la guerre de 14- 18 en se servant de journaux intimes et de lettres, et en retraçant les destinées de quatorze citoyens des pays impliqués. Un travail entremêlant archives en noir et blanc et scènes de fiction en couleur, unifiées par le son. Cela rappelle par moments le travail d’Edgar Reitz avec Heimat ou, lorsque les protagonistes s’adressent à la caméra, les reconstitutions façon reportage de Peter Watkins. Mais c’est aussi plus didactique, avec des commentaires, des chapitres, etc.
Il ressort de cette saga de Jan Peter que la guerre “mondiale” fut avant tout européenne et que ceux qui y participèrent furent tous plus ou moins des victimes. Tous les personnages ont leurs raisons, et ne semblent pas diaboliques pour un sou. Les Allemands de l’époque en particulier, dont on ne peut pas soupçonner que certains deviendront les sadiques nazis.
Pour bien insister sur cette démocratie de la souffrance et le fait que le peuple sert de chair à canon aux élites planquées, le film mêle sans transition des scènes situées sur le front russe, en France ou ailleurs. Un récit continu où la fiction est raccordée aux documents d’époque. On évoque la vie quotidienne, consacrant par exemple de longs passages aux souffrances des blessés ou aux mesures prophylactiques pour juguler les maladies vénériennes. On rappelle également le rôle positif de la guerre comme accélérateur du progrès social ( les hommes étant sur le front, les femmes purent s’émanciper).
Les personnages, inspirés de témoignages réels, sont pour la plupart inconnus. Seule exception : Ernst Jünger, dont le journal est célèbre. Une seule figure de cette geste pourrait mériter un long métrage à part entière : une jeune Cosaque de 15 ans, Marina Yurlova, qui se met en tête de rejoindre son père parti combattre les Turcs et intègre finalement l’armée russe. On assiste en pointillés au destin poignant de cette héroïne, dans le sens classique du terme. Cette louable entreprise a le mérite de rappeler constamment l’incroyable naïveté de ces combattants, partis la fleur au fusil et revenus en pièces détachées. Vincent Ostria 14, des armes et des mots série documentaire de Jan Peter. Les mardis du 29 avril au 13 mai, 20 h 50, A rte Disponible en DVD ( Arte éditions) à partir du 14 mai et sur arte. tv/14desarmesetdesmots