Les Inrockuptibles

Michel, ma belle…

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En novembre dernier, Julien Doré sort un nouvel album, Løve. Dans Les Inrocks, il se confie à Jean- Marc Lalanne :

“Mon seul champ lexical, c’est le discours amoureux. Même quand j’écris sur Platini, c’est une chanson d’amour.

– Tu étais à peine né quand Platini était une star du foot, non ?

– Oui, je suis né en 1982. Vers la fin des années 80, mon père, qui travaillai­t dans une compagnie aérienne, avait trouvé dans un avion sa carte profession­nelle de la FFF, oubliée dans un sac sur un siège. Il n’a pas voulu la récupérer et mon père me l’a offerte. Cette carte a été une de mes reliques d’enfance. – Pourquoi parles- tu de Platini au féminin ? – Ça s’est écrit comme ça : ‘ Michel, ma belle…’ C’est une référence aux Beatles. Mais ça me plaisait aussi de mettre en place une homosexual­ité latente dans le monde du football qui ne l’accepte pas. De toute façon, cette ambiguïté, ce côté vaporeux, suave, ‘ sur le banc de touche, juste après la douche’, est présent dans le football.” “Sur le banc de touche Juste après la douche J’ai revu Michel Platini On a parlé France Et de leur défense De Toulalan et Ribéry Sur le banc de touche Juste après la douche J’ai revu Michel Platini Il était docile Il a bien grossi “C’est l’air de Paris” M’a- t- il dit Michel, ma belle, mon oiseau de nuit ( Platini) Ton pied de porcelaine est gravé à vie ( Platini) Michel, ma belle, mon oiseau de nuit ( Platini) Ton pied de porcelaine est gravé à vie ( Platini)”

Tout ça écrit par un musicien né la veille du mythique France- Allemagne du Mondial 82. Quand Michel arrête sa carrière de joueur, Julien a 5 ans. Plus tard, il jouera au football, soutiendra Montpellie­r, et sera un joyeux adolescent de 98, champion du monde sans jamais avoir versé une larme sur des Bleus romantique­s et malchanceu­x, footeux dans un pays de snobs où c’était soudain bien vu de s’intéresser à ces choses populaires, dégradante­s et corrompues par l’argent, après des décennies d’un mépris de fer. Les élites françaises et le foot, c’est assez récent, croyez- moi.

On l’envierait presque, à un détail près : il n’a pas vu jouer Platini en live. Il ne l’a pas vu inventer des gestes avec cette insolence enfantine qui faisait son charme, cette rapidité d’exécution, ce coup d’oeil qui ridiculisa­it gentiment défenses et gardiens. Sur un terrain de foot, Platini jouait vraiment, il s’amusait et ça se voyait. Messi ou Cristiano Ronaldo sont peut- être encore plus géniaux – peut- être, hein, ça se discute… – mais ils ne rigolent pas trop, pas assez, et ça se voit aussi. Tandis que quand Platoche mettait deux coups francs consécutif­s au grand Dino Zoff, un de chaque côté, un jour de 78, à Naples… D’accord, j’arrête.

Le football est d’abord un jeu, “ce jeu merveilleu­x” dont parlait Pelé, un jeu de sales mômes, de mal élevés, qui n’hésiteront jamais à mettre la main en douce, en espérant que l’arbitre n’y verra que du feu, comme Maradona ou Thierry Henry, même s’ils gagnent déjà des montagnes d’argent et que le monde entier les traitera de tricheurs. Pas une morale, plutôt un jeu de cour de récré et un spectacle, jamais tout à fait écrit à l’avance, d’une dramaturgi­e terribleme­nt addictive : qui aurait pu imaginer le dernier match de Zidane en 2006 ? Ces choses- là ne se vivent qu’une fois et personne n’est capable de les inventer. Nul mieux que le football. Malgré tout. En 1978, à Naples,

Platini contourne le m ur italien

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