L’Italien social
L’Italie toujours en récession, son Premier ministre Matteo Renzi multiplie les marqueurs de gauche, réduit le train de vie de l’Etat, taxe les banques… Une opération politique, et de com, rondement menée.
Le quotidien italien La Stampa a appelé cela “l’opération Occupy TV”. Le journal a en effet calculé que du 17 au 31 mars, le nouveau Premier ministre italien Matteo Renzi avait, en moyenne, occupé l’espace télévisuel cinq heures par jour.
Discours, reportages et surtout dix- sept heures d’entretiens “exclusifs”. Loin de s’en défendre, Renzi explique sur son compte Twitter qu’il “avance comme un rouleau compresseur”, qu’une “révolution est en marche” en Italie et qu’il est “heureux de conduire” un pays “courageux et vrai”. Heureux ? Quel contraste avec un gouvernement et une présidence qui, en France, semblent enfoncés dans le pessimisme et les “économies douloureuses”.
Pourtant, l’Italie ne va pas mieux que notre pays et son plan d’austérité pluriannuel n’est pas moins rude. Le chômage touche 13 % des Italiens ( contre 10 % des Français), 2013 a été une année de récession en Italie (- 1,9 %, contre + 0,3 % chez nous) et la dette du pays flirte avec les 135 % du PIB, non loin du record grec. D’où vient donc ce feel good effect ? C’est simple : Renzi fait de la politique.
D’abord, on l’a vu, il sature les médias. Un peu à la façon de Berlusconi mais en ajoutant les réseaux sociaux et donc en jouant de l’illusion d’une communication non filtrée avec “le peuple italien”. Ensuite, il multiplie les marqueurs de gauche. Comme la vente sur eBay des voitures officielles – cinquantedeux ont déjà été cédées pour un total de 371 000 euros et une centaine d’autres devraient suivre – et la limitation à cinq véhicules de fonction par ministère. Ou encore la nomination de quatre femmes à la tête de grandes entreprises nationales, après la mise en place d’un gouvernement paritaire. Un signe bienvenu dans un pays où les femmes ont été humiliées par des années de “bunga bunga” berlusconien.
Enfin, Matteo Renzi joue les Robin des Bois.
D’un côté, il adresse aux Italiens gagnant moins de 25 000 euros par an un chèque mensuel de 80 euros et ce dès le mois de mai. De l’autre, il augmente les taxes sur les banques de 1,8 milliard d’euros. Pour les Italiens, comme pour les Français, et les Européens en général, les banques et leurs traders sont, à tort ou à raison, largement responsables de la crise actuelle. En les surtaxant, Matteo Renzi a donc rencontré peu d’opposition.
Mais la cerise sur le gâteau, c’est que ces mêmes banques ont réagi par la voix de l’Association des banques italiennes. Elles ont chouiné. Elles se sont plaintes d’avoir à payer 6 milliards d’euros de taxes en 2014. Pour un Premier ministre de gauche, c’est inespéré ! Le monde de la finance, l’“adversaire” de François Hollande, qui se plaint, c’est tout bénef. A cela, il faut ajouter la disparition des provinces – l’équivalent de nos départements –, la réduction du nombre de communes de 8 000 à un millier.
De plus, Matteo Renzi a pris un engagement devant ses citoyens : s’il n’arrive pas à mener à bien son projet, il promet de “retourner à la maison”, c’est- à- dire de démissionner. Un peu comme François Hollande, en somme. Sauf que l’Italien, malin, a lié son destin à une réforme qui dépend du monde politique : une refonte du Sénat qui pourrait aboutir à de substantielles économies concernant les salaires des parlementaires. Alors que François Hollande joue le sien sur la baisse du chômage… qui dépend avant tout du monde économique. Anthony Bellanger