Adulte ou ado
Les codes du récit ont donc changé. Mais le personnage ? De Tobey Maguire à Andrew Garfield, quelles transformations a subies Peter Parker ? Tobey Maguire a 27 ans lorsqu’il enfile pour la première fois la cagoule rouge. Andrew Garfield ( qu’on connaissait jusque- là essentiellement pour un second rôle marquant dans The Social Network) déjà 29 – donc 31 dans cette suite. Par deux fois, il s’agit d’envoyer sur les bancs de l’université des acteurs trentenaires ou presque et de leur faire incarner des émois adolescents. L’acteur est un peu vieux pour son personnage, mais le personnage ( déjà étudiant tout de même) est aussi un peu vieux pour les situations dans lesquelles il est plongé ( une vieille tante qui surveille ses sorties, un premier flirt, la découverte candide des grandes épreuves de la vie). Tobey Maguire, yeux écarquillés, excellait dans ce registre de l’étonnement enfantin permanent. Andrew Garfield s’en sort bien aussi mais en s’y prenant autrement. Son Spider- Man est à la fois, paradoxalement, plus ado et plus adulte. De l’adolescent, le personnage reprend tous les codes de lifestyle de façon vraiment volontariste : désormais Peter Parker ne se déplace plus qu’en skate, il porte des T- shirts Thrasher aux manches retroussées, ses pantalons tombent sur ses hanches… Tout en lui fait signe de ralliement aux ados planétaires.
Pourtant, il y a un point absolument constitutif du film de Sam Raimi que Marc Webb a choisi de gommer : la puberté. Le coup de génie de Raimi était de doubler la métamorphose extraordinaire d’un être humain en surhomme par celle très ordinaire d’un petit garçon en homme. La découverte de poils d’insecte au bout de ses doigts métaphorisait l’étonnement de tout ado devant la découverte de sa pilosité naissante et les premiers jets de toile qui s’échappaient de ses poignets renvoyaient à l’ambiguïté des premières éjacs. Peut- être qu’il y avait justement quelque chose de trop adulte dans ce regard attendri sur la révolution pubère. Et c’est peut- être pour parler plus directement au public ado que la nouvelle trilogie évacue cette dimension de mue sexuelle. La toile que projette Spider- Man n’est plus chez Marc Webb le symbole d’une quelconque poussée éjaculatoire mais elle prend la forme d’une main tendue héroïquement vers sa girlfriend dans une très belle scène de romance tragique.