Les Inrockuptibles

Pas son g eden Lruceas Belvaux

La relation amoureuse entre un homme et une femme d’univers culturels différents. Une étude de moeurs à la fois patiente et sous tension.

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En pleine polémique sur les questions de genre, le titre du nouveau film de Lucas Belvaux résonne étrangemen­t. Son sens premier est sans doute le plus évident : “pas son genre”, soit pas d’atomes crochus. Mais comme le film fait le récit d’une liaison entre deux personnes issues de lieux, de classes sociales et de rapports au monde différents, le titre retombe aussi sur les pattes des débats actuels : la culture est chose différente de la nature et elle compte autant, si ce n’est plus.

Soit donc Jennifer et Clément. Elle habite Arras où elle élève seule son fiston et exerce la profession de coiffeuse. Elle est péroxydée, lit des magazines people et des romans populaires, admire Jennifer Aniston ( même prénom en plus) et chante le week- end avec deux copines, un genre de Supremes de sous- préfecture. Lui est un prof de philo parisien, provisoire­ment détaché à Arras, ce qu’il vit comme une punition. Il connaît par coeur son Kant et son Proust, n’a pas d’enfant, entretient des liaisons intenses mais brèves par peur de s’engager, écorchant au passage ses amantes. Venu se faire couper les cheveux, il rencontre Jennifer et ces ciseaux…

Le questionne­ment de Belvaux et le suspense romantique du film consistent à savoir si ces deux- là peuvent former un couple, éventuelle­ment durable, si l’amour est plus fort que les barrières culturelle­s et sociales. La force du sexe et/ ou des sentiments peut- elle transfigur­er des clichés sociologiq­ues ambulants et les arracher à leur déterminis­me ? Belvaux va filmer dans le moindre détail l’aventure de cette fusion des contraires, comment chacun va tenter d’aller vers le territoire de l’autre et vice versa, selon le ressort classique de la screwball comedy hollywoodi­enne.

Mais, à la vitesse des Hawks ou Capra de jadis, Belvaux oppose la patience, la minutie, dans la descriptio­n de chaque étape de la liaison. Quels films va- t- on voir ? Qui invite qui à dîner ? A quel moment le premier baiser ? Puis la première nuit ensemble ? Et chez lequel on couche ? Et qui ferme les yeux pendant l’amour ? Belvaux remet en scène ce processus mille fois filmé qu’est la cristallis­ation de la rencontre amoureuse et quand c’est fait avec tact et précision, comme c’est le cas ici, on remarche à fond.

Mais si le couple se forme, un doute, une tension, un suspense demeurent. Les intentions de la pétulante Jennifer sont

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