En roue, libre
En beau pays gascon vit un ogre tendre, à la musique simple et nue : le Néerlandais Dick Annegarn. Son nouvel album s’appelle Vélo va, et enroule bien le braquet.
Bonjour verdure : il y a bientôt quinze ans, Dick Annegarn s’est installé dans une ancienne ferme sur la petite commune de Laffite- Toupière ( 80 habitants) en pays gascon, à 70 kilomètres au sud de Toulouse. Il venait de loin. Des Pays- Bas, puis Bruxelles, puis la banlieue parisienne ( sur une péniche en bord de Marne), puis le quartier de Wazemmes à Lille, et pas mal de voyages ( en Ethiopie, au Cambodge, au Maroc, en Tchécoslovaquie). Il revenait de loin, sauvé par son nouveau label ( Tôt ou Tard) d’une vingtaine d’années de traversée du désert, après un succès précoce, aussi fulgurant qu’embarrassant, au milieu des années 70.
On fête cette année les 40 ans de son éternel premier album, celui avec Bruxelles, Bébé éléphant, Sacré géranium… Mais l’homme qui nous accueille chez lui à Laffite- Toupière ne fait pas ses quarante ans de carrière ; il ne veut pas en entendre parler, ni trop en parler. “Je ne regarde pas derrière moi”, dit- il de sa voix d’ogre tendre. Pourquoi regarder derrière, quand autour il y a douze hectares de pâturages et de bois à entretenir, les sentiers de randonnée jalonnés par les stèles des Amis du verbe ( le festival de poésie orale qu’il a créé), puis les collines vertes, amples et veloutées d’un pays secret, préservé du tourisme et des panneaux publicitaires, avec la ligne enneigée des Pyrénées à l’horizon ? Dick Annegarn est ici chez lui. “J’ai rêvé de finir ma carrière comme je suis en train de la finir”, dit- il devant la cheminée où brûlent lentement les bûches d’un chêne tricentenaire.
Mais Dick Annegarn, 62 ans, n’est qu’au début de sa fin de carrière.