Les Inrockuptibles

Le rire face au vide

Première incursion dans la veine autobiogra­phique pour l’Israélien Etgar Keret. Une chronique douce- amère de sa vie à Tel- Aviv, entre Kafka et Seinfeld.

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Lon rit quasiment à chaque phrase. Pas d’un rire jaune ou crispé, non. D’un rire franc, spontané, irrépressi­ble. Scénariste de BD, réalisateu­r et auteur de plusieurs recueils de nouvelles, dont La Colo de Kneller et Au pays des mensonges, Etgar Keret s’aventure pour la première fois sur le terrain du récit autobiogra­phique. Pour se raconter, il a préféré écrire en anglais plutôt qu’en hébreu. Une façon de mettre un peu de distance avec sa propre histoire par le biais d’une langue étrangère.

Keret retrace donc sept années de sa vie à Tel- Aviv, de la naissance de son fils, qu’il compare tour à tour à Bouddha, Chucky ou à un criminel de guerre en puissance, à la mort de son père. Il ne s’agit pas d’une autobiogra­phie linéaire, mais d’une succession d’histoires qui s’enchaînent comme des sketches. L’auteur se dépeint en type maladroit, un peu ridicule. Aux anecdotes futiles se mêlent des réflexions e titre serait- il ironique ? En feuilletan­t rapidement 7 années de bonheur, le nouveau livre de l’Israélien Etgar Keret, on peut avoir l’impression qu’il n’est question que de tirs de roquettes, d’attentats- suicides, de guerre et de destructio­n. Et pourtant, même si l’on sent peser à chaque instant “le lourd nuage existentie­l, noir de peur”, plus graves, mais elles aussi passées au filtre comique, voire surréalist­e. Comme lorsque Keret aborde l’antisémiti­sme : alors qu’il déjeune dans un restaurant en Bavière, il est persuadé d’entendre un ivrogne hurler “Juden raus”. Il se lève, menace l’homme, fait un esclandre, avant de réaliser qu’il a mal compris. Seulement, parfois, il n’y a pas d’erreur de compréhens­ion. Quant aux menaces d’attaques nucléaires iraniennes sur Israël, elles deviennent un bon prétexte pour ne plus faire la vaisselle.

Sans jamais tomber dans le mélo, certains passages se révèlent profondéme­nt émouvants

( tel l’épisode à Varsovie, terre natale de ses parents, survivants de la Shoah), et ce mélange de tons fait toute la saveur de ces 7 années de bonheur qui offrent aussi une image contrastée de la société israélienn­e, montrant sa violence et ses incohérenc­es. Keret écrit qu’il ne faut “jamais renoncer à trouver un angle qui mette la laideur sous un meilleur éclairage”. En mixant l’absurdité kafkaïenne à l’humour de la série Seinfeld, Etgar Keret exécute parfaiteme­nt ce programme et nous livre deux cents pages de bonheur. Elisabeth Philippe 7 années de bonheur ( Editions de l’Olivier), traduit de l’anglais par Jacqueline Huet et Jean- Pierre Carasso, 208 pages, 18 €

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