Raphaële Eschenbrenner
Exil à Spanish Harlem
Seuil, 128 pages, 15 € Immersion nonchalante dans le New York exaltant et un peu glauque des eighties.
C’est l’époque où les filles veulent avoir “un look d’enfer et un sourire qui flashe”, où l’on danse au CBGB et où l’ombre du sida commence à planer. Avec Exil à Spanish Harlem, livre inspiré de sa propre expérience de jeune Française à Manhattan, Raphaële Eschenbrenner nous plonge dans le New York des années 80. Son héroïne s’appelle Corinne – prénom qui lui- même fleure bon les eighties. Corinne vit avec Spike, son amant, musicien dans un groupe de rock baptisé les Creepy Fries, et Brad, un coloc un peu paumé et fan de muscu. Serveuse récalcitrante, réceptionniste larguée dans une agence de voyages, elle enchaîne les petits boulots et se demande souvent ce qu’elle fait dans ce pays où on lui parle sans cesse de Dieu et de la Bible.
Chapitres courts et phrases brèves, les saynètes ultravisuelles se succèdent comme une série de Polaroid, des instantanés à la façon de Nan Goldin ( sexe fiévreux et nuits blanches) qui nous baladent de Brooklyn à Chinatown. Un texte léger et nonchalant, tour à tour drôle ou mélancolique, parsemé de formules ironiquement grandiloquentes comme ce définitif “Mais nous étions trop fatigués pour les chefs- d’oeuvre.” Raphaële Eschenbrenner restitue non seulement une époque, mais aussi et surtout une période de la vie où l’on n’a pas à faire de choix car tout semble possible. En un mot : la jeunesse. E. P.