Cher François Rebsamen
Tu t’en souviens peut- être, mais lors de la rentrée des classes, il fallait toujours se fader un grand con, redoublant et cancre de préférence, qui pourrissait d’emblée l’ambiance bon enfant des retrouvailles scolaires. Un type plus haut que les autres, qui compensait ses résultats médiocres en s’improvisant champion du croche- patte et de l’admonestation virile des plus petits.
Cette engeance pénible poursuit généralement son action dans la vie d’adulte, et tu en as fait une démonstration claironnante le jour de la rentrée 2014, en venant caviarder en beauté la communication de ton chef de classe. Ainsi, pendant que François Hollande prononçait un discours cotonneux et rassembleur dans une école de Clichy- souslangue- de- Bois, tu dégainais à la télé un bon vieux cliché- sousministre- aux- abois en annonçant un renforcement des contrôles sur les chômeurs par Pôle emploi. Ceci, j’imagine, afin de vérifier si ces feignasses subventionnées étaient bien en train de chercher du boulot ou si elles préféraient rester tranquilou dans leur canapé à se gratter les couilles devant N’oubliez pas les paroles.
Pour le coup, tout le monde oublia sur le moment la parole présidentielle pour relayer la tienne, Rebichou, comme on préfère toujours le bon mot grossier du marlou de préau à la langue tiède de l’élève discipliné. Sur la forme et question timing, tu en conviendras, cette sortie était calamiteuse, contre- productive et parasitaire. Mais sur le fond, c’est bien pire. Quand ces mises à l’index des présupposés fraudeurs et profiteurs provenaient des haut- parleurs de la droite décomplexée, les Wauquiez, Estrosi et Cie., tu pensais sans doute comme beaucoup que c’était parfaitement dégueulasse et caricatural. Maintenant que c’est toi qui es aux commandes de la machine à inverser la courbe – ce bouzin qui ne fonctionne pas, même sous l’imploration présidentielle depuis 2012 –, voilà qu’à ton tour tu cherches un responsable pour camoufler ton impuissance.
Voyons voir, à quoi peut ressembler cet empêcheur de statistiques ?
A un margoulin du BTP qui emploie au noir des esclaves sous- payés ? A un patron du CAC 40 qui préfère arroser ses actionnaires plutôt que d’investir dans la production ? A un délinquant fiscal qui prive l’Etat des moyens de rendre plus dignes et performants les services publics et les hôpitaux ? A un industriel qui délocalise pour payer moins de charges ?
Ben non, colonel Moutarde de Dijon, le coupable, c’est le pauvre, le précaire, le “sans- dents”, accusé de saigner l’Etat avec l’arme des allocations indûment siphonnées. C’est le mec qui kiffe à mort sa situation de déclassé, le chômeur à la rapacité bien connue de tes services – ces contrôles sont censés exister depuis janvier, renseignetoi –, c’est surtout la cible sans défense de tous les casseurs de thermomètres dans ton style, qui trouvent plus pratique d’expurger les listings que de créer des conditions d’embauches. Même si, parmi les pourrisseurs de rentrée, tu t’es fait doubler par l’ex- copine revancharde, en 2017 on vérifiera si tu mérites des allocs.
Je t’embrasse pas, tu peux faire un contrôle.