Des yeux passe- murailles
Des chercheurs de l’université de Californie ont créé de petits robots capables de voir à travers les murs. Un nouveau gadget qui rapproche l’homme du superhéros.
Les hommes de science sont de grands enfants. Comment, sinon, se passionner pour les primitives, dérivées, intégrales et autres calculs improbables à base de nombres imaginaires ? Cette motivation prend ses racines dans la jeunesse de chercheurs biberonnés aux comics Marvel et saturés d’histoires mettant en scène des surhommes au grand coeur.
La volonté de leur ressembler donne assez de pugnacité et d’abnégation au scientifique pour s’éloigner momentanément de son projet original – devenir maître du monde – et y revenir ensuite mieux armé pour commencer à réaliser son rêve. Ainsi, parmi les découvertes et innovations récentes, les ingénieurs du monde entier concoctent pièce par pièce leur propre panoplie de superhéros.
Dernier exploit en date : voir à travers les murs à l’aide de robots qui fonctionnent par binôme. Devant un mur opaque, le premier envoie une onde wifi qui traverse le mur, passe les obstacles placés sur son chemin ( chaise, bureau, humain). Le deuxième robot récupère alors l’onde wifi qui, entretemps, s’est modifiée en fonction de la taille, de la structure et même de la matière des éléments au travers desquels elle est passée.
Par déduction, les robots peuvent déterminer ce que l’on ne peut voir. De tels engins sont conçus, soi- disant, pour repérer les victimes des tremblements de terre dans les décombres. On sait bien, nous, qu’il s’agit de singer l’un des pouvoirs du plus solide des superhéros, Superman. Idem pour ce smoking pare- balles mis au point par la société Suitart. Rien à voir bien entendu avec le disgracieux gilet de police sans manches et en kevlar.
Pourquoi sans manches, d’ailleurs ? Le costume de Suitart est bien coupé et tissé de diamants noirs. D’où son chouette nom : Diamond Armor. Il est également étanche et doté d’une climatisation. Son prix : trois millions de dollars. Trop pour le quidam, mais une paille pour un milliardaire tel Bruce Wayne, alias Batman.
Rappelons- nous du Mindwalker, l’exosquelette guidé par la pensée,
ou son cousin Hercule capable de soulever des charges lourdes. Deux types d’armures intelligentes, en somme. Qui refuserait d’y reconnaître Iron Man ? Nous assistons, dans tous les domaines scientifiques, à l’apparition de l’homme augmenté. Tout concourt à l’émergence d’un monde peuplé de surhommes à chaque coin de rue. N’importe quel geek maigrichon pourra voler, taper, passer à travers les murs et lancer des salves de rayons laser avec ses yeux.
Mais si tout le monde devient un superhéros, alors plus personne ne l’est : on n’aura fait que grimper sur un nouveau palier, niveler par le haut. On obligera Aquaman, Green Lantern et Spider- Man à évoluer encore pour dominer la masse, avant qu’ils ne soient à nouveau rattrapés par le pouvoir des maths. On n’en finit plus. Nicolas Carreau illustration Jeremy Le Corvaisier pour Les Inrockuptibles