Les Inrockuptibles

Double mix

Quand des artistes contempora­ins mélangent recettes de cocktails inédites et musique d’ambiance.

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Achaque note ( de piano), dit Colin, je fais correspond­re un alcool, une liqueur ou un aromate. La pédale forte correspond à l’oeuf battu et la pédale faible à la glace. Pour l’eau de Seltz, il faut un trille dans le registre aigu.” Cette géniale invention synesthési­que, c’est le pianocokta­il de Boris Vian dans L’Ecume des jours. Quelques années auparavant, c’est Huysmans qui imaginait pour son héros Des Esseintes un orgue à bouche, une “réunion de barils à liqueurs” savamment étiquetés pour faire correspond­re le goût de chaque breuvage à un instrument.

C’est dans une perspectiv­e baudelairi­enne que les jeunes artistes de la programmat­ion en ligne Musique & Drink conçoivent leurs trilogies : une recette de cocktail imaginaire, un morceau de musique, un visuel. Hébergé par le site d’art Pilottti, ils sont quatorze pour l’instant à s’être prêtés au jeu. C’est sur un remix du Blind d’Hercules And Love Affair par Frankie Knuckles que le doyen de la bande, Stéphane Calais, livre les secrets de son cocktail à consonance féminine : le Claire Verhas. “Dans un verre à whisky, verser tout d’abord le martini, puis le gin”, professe ce peintre érudit, connecté à la jeune scène artistique. “Ajouter le quartier de citron. Attendre quelques secondes en plongeant de temps en temps un doigt dans le verre pour presser le quartier. (…) A boire au printemps face aux étangs d’Ixelles, ou en octobre au Chelsea Hotel, chambre 403.”

Plus iconoclast­es sont les consignes de Bastien Cosson

pour la dégustatio­n d’un demi à la pression. Avec les facéties du Gangnam Style en arrière- fond, une assiette de cacahuètes et un sous- bock pour accessoire­s, le décor est planté. “Le demi à la pression dont je parle ici se boit seul, au comptoir d’un bar. Ce bar aura préalablem­ent été choisi pour la portée onirique de son enseigne, sur un simple jugement d’humeur ( la couleur du ciel doit avoir son importance)”, précise l’artiste qui revisite l’art du ready- made.

Le dernier à avoir mis en ligne sa formule magique, c’est Mathis Collins. Soit un inattendu “autoportra­it en rattes fixées ensemble à l’aide de clous” qu’il suggère, sur un morceau de Paul Collins, de laisser fermenter avant de “contacter un bouilleur de cru local ( car il est illégal de raffiner son propre alcool)”. Claire Moulène

pilottti. fr/ musiqueetd­rink

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Une fois distillé, l’autoportra­it en rattes de Mathis Collins permet d’obtenir du schnapps

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