Les Inrockuptibles

Le réveil des volcans Patrick Deville

Avec Viva, mêle les destins de Léon Trotski et Malcolm Lowry dans le Mexique des années 30. Un livre sur l’absolu – révolution­naire et littéraire – d’une vertigineu­se maîtrise, à travers lequel se dévoile subreptice­ment l’écrivain.

- Par Elisabeth Philippe photo Frédéric Stucin pour Les Inrockupti­bles

Ses livres, Patrick Deville les traverse en passager clandestin. Discrèteme­nt. Un “je” qui ne dit pas son nom, carnet de taupe toujours à portée de main, et qui se dissimule parfois derrière un étrange “fantôme du futur” comme dans Peste & Choléra, prix Femina 2012. Ce sont d’autres que lui- même que l’écrivain met en scène, d’autres vies que la sienne qu’il transforme en “romans d’aventure sans fiction”, ainsi qu’il qualifie les textes qu’il publie depuis une dizaine d’années et qui l’entraînent aux quatre coins du monde. Dans Pura vida, il partait explorer l’Amérique centrale sur les traces de l’aventurier américain William Walker, Equatoria l’emmenait en Afrique, tandis que dans Kampuchéa et Peste & Choléra, il parcourait le continent asiatique, le Cambodge à la suite de l’explorateu­r Henri Mouhot et le Vietnam dans l’ombre d’Alexandre Yersin, le découvreur du bacille de la peste.

Avec Viva, Deville boucle la boucle. Retour en Amérique centrale. Au Mexique plus exactement, pour croiser cette fois les destins de deux géants du XXe siècle : Léon Trotski et Malcolm Lowry, l’auteur du livre culte Au- dessous du volcan. Tous deux firent escale dans le Mexique révolution­naire des années 30. Le premier, proscrit et traqué, pour y trouver refuge avant d’être assassiné à coups de piolet, en 1940, par Ramón Mercader ; le second pour y puiser l’inspiratio­n de sa “fantasmago­rie mezcalienn­e”. Ce n’est malheureus­ement pas à Mexico, où il a régulièrem­ent séjourné pour écrire Viva, que nous rencontron­s l’écrivain, mais dans son pied- à- terre parisien, une de ses “cachettes”. Au- dessus de la banquette sur laquelle il s’installe, une carte jaunie de l’ancienne Indochine rappelle que Deville, à travers ses romans, ne cesse de voyager dans l’espace et dans le temps. “Cela faisait très longtemps que j’avais envie d’écrire un livre sur Trotski et Lowry, explique- t- il après s’être roulé une cigarette. Je crois que l’un et l’autre apparaisse­nt dans chacun des livres précédents de cette espèce de série qui prend forme depuis Pura vida. Depuis le début, ils sont là tous les deux. Ensuite, les choses se sont agrégées avec des lectures, des rencontres, des recherches et, de manière logique, j’ai commencé à parler de cette idée à Maurice Nadeau, car il n’y a personne au monde qui ait été aussi proche des deux oeuvres et des deux hommes.”

L’éditeur, mort en 2013 à 102 ans, qui s’est enthousias­mé à la lecture des textes de Trotski en 1934 et qui a publié et signé la préface de la version française du Volcan, fait partie de la constellat­ion de personnage­s qui gravitent dans le roman autour du révolution­naire et de l’écrivain.

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