L’Institutrice de Nadav Lapid
La relation étrange d’une instit et d’un élève surdoué. Le deuxième film d’un jeune cinéaste israélien lui- même très doué.
Israël occupe la une de l’actu à cause de la brutalité obtuse de ses dirigeants dans le traitement de la question palestinienne, et pourtant, presque chaque film ( ou roman, ou essai, ou travaux scientifiques…) issu de ce pays nous rappelle à quel point il ruisselle d’intelligences, de talents et d’esprits lucides. Cet apparent paradoxe est peut- être une corrélation si l’on suit l’adage selon lequel la création ne s’épanouit jamais mieux qu’en temps de crise ou de guerre. Le Policier, premier film de Nadav Lapid, illustrait à sa façon cet état de fait. Le sujet en était justement une société au bord de la folie et de l’implosion alors que la réussite du film attestait au contraire de l’acuité critique, de la maîtrise froide et de l’inspiration formelle de son auteur. L’Institutrice confirme absolument cette excellence, même si la critique sociale s’y fait moins frontale, plus oblique.
Le film s’articule autour de Nira, institutrice férue de poésie, et Yoav, gamin surdoué qui est sujet à un phénomène singulier : il entre ponctuellement en hyper concentration, se met à faire les cent pas en inventant un court poème de haut niveau pour son âge.
Bien que ce pitch recèle des tonalités autobiographiques ( Lapid était lui- même un élève surdoué), le film est nimbé d’une légère étrangeté à tous niveaux. D’abord par le comportement et la personnalité de Yoav : ce n’est pas tous les jours que l’on rencontre un garçonnet qui pond des haïkus oraux spontanés aussi facilement qu’il tape dans un ballon. Par son opacité et son don, Yoav nous inquiète, en petit frère de cinéma de l’enfant- lumière de Shining ( Kubrick) ou des enfants du Village des damnés ( Carpenter). Après le Boyhood middle class de Linklater, voilà un autre genre de boyhood, beaucoup plus retors.