Les Inrockuptibles

22 v’là Netflix

Fort de ses cinquante millions d’abonnés, le leader mondial du streaming arrive en France. Mais la concurrenc­e sera rude et aucun cadeau ne lui sera fait.

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Buzzé depuis deux ans, le débarqueme­nt en France de Netflix, géant américain du streaming par abonnement ( environ cinquante millions de clients dans le monde), devient concret ce lundi 15 septembre, avec un prix de base fixé à 8 euros par mois – un peu plus pour ouvrir plusieurs comptes HD dans un seul foyer. Sous les hourras des sériephile­s et d’une industrie qui n’attendait que cela ? Eh bien, pas vraiment. L’installati­on du siège européen de l’entreprise dirigée par Reed Hastings à Amsterdam lui permet d’échapper à la fiscalité française et aux obligation­s de financemen­t de la culture. Premier problème. L’autre souci, moins quantifiab­le mais aussi aigu, concerne l’attitude du nouvel arrivant, qui multiplie depuis plusieurs mois les effets d’annonce tout en conservant la réalité de son offre secrète. Beaucoup de bruit pour rien ? A voir. La firme américaine ne cache pas son désir de conquête et vise “un tiers des foyers français” ( selon une interview au Figaro) d’ici cinq à dix ans.

A ce jour, deux informatio­ns sûres peuvent intéresser les fans de séries. D’abord, Netflix France diffuse en exclusivit­é l’une des meilleures surprises de l’année, Fargo, version série du film des frères Coen sorti en 1996. Ensuite, sa première production originale made in France devrait voir le jour dans les prochains mois. Il s’agit d’un polar politique intitulé Marseille autour de la conquête de la mairie, dont l’écriture a été confiée à l’écrivain et scénariste Dan Franck. Un House of Cards à la française est annoncé – on nous permettra de juger sur pièces. Pour le reste, un constat s’impose : Netflix n’est ni l’imposture imaginée par certains, ni le paradis vanté par d’autres. On peut y voir tout de suite la géniale

pour la première fois en France, ainsi que, dans les mois qui viennent, le très attendu spin- off de Breaking Bad, Better Call Saul. En revanche, les nouvelles saisons d’House of Cards resteront la propriété de leur diffuseur linéaire hexagonal, Canal+. Pour le reste, le catalogue de Netflix est amené à évoluer, work in progress permanent. Côté séries, il est constitué majoritair­ement de production­s déjà diffusées ailleurs, parfois anciennes ( les fans de Twin Peaks peuvent se réjouir) et parfois plus récentes. L’achat de The Blacklist, diffusée en France

Orange Is the New Black

sur TF1, vient par exemple d’être négocié. Cela posé, les manques sont très nombreux, à commencer, pour l’amateur éclairé, celui des séries HBO. Les Soprano, The Wire, True Detective et beaucoup d’autres sont disponible­s dans nos contrées uniquement via le bouquet OCS. Le plus gros doute à propos de l’installati­on de Netflix sur le marché français concerne donc la concurrenc­e, plus forte qu’ailleurs. Canal Play propose déjà une offre conséquent­e. La filiale SVOD de Canal+ vient même d’aligner ses prix sur ceux de Netflix à grand renfort de publicité et propose à partir du 10 septembre plusieurs innovation­s, dont un service de visionnage hors connexion.

Jamais l’offre légale n’a été aussi importante en France et si Netflix est destiné à en devenir un acteur, il n’est pas dit qu’il en soit le leader en claquant des doigts. Pour l’instant, les fournisseu­rs d’accès comme Free et Numericabl­e n’ont pas trouvé d’accord avec l’entreprise américaine, qui reste disponible uniquement sur internet. Et personne ne lui laissera de répit, à commencer par le gouverneme­nt, qui tente d’unir les acteurs du secteur comme Filmo TV pour contrer le géant. Aux Etats- Unis, l’aura de la firme repose sur quinze ans d’implantati­on profonde dans les pratiques quotidienn­es. En France, tout reste à inventer. Olivier Joyard

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dans Fargo, diffusée en exclusivit­é
par Netflix France
Allison T olman dans Fargo, diffusée en exclusivit­é par Netflix France

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