Les Inrockuptibles

Jérôme Dayre

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Il est la preuve vivante qu’on peut venir de la pub et défendre une certaine idée de la littératur­e. Après un passage par la com, Jérôme Dayre est devenu libraire. Plutôt que de pleurer sur la concurrenc­e déloyale d’Amazon, il a préféré repenser son métier d’abord en créant Librest, réseau de libraires parisiens, puis le site lalibrairi­e.com regroupant 20 000 librairies. Début 2015, avec l’écrivain Mathieu Larnaudie et Actes Sud, il a créé la société Dernière marge et racheté la marque Inculte, collectif d’auteurs (Maylis de Kerangal, Claro, Joy Sorman…) et maison d’édition au catalogue ambitieux. Inculte/Dernière marge publiera à la rentrée, entre autres, Downtown Diaries de Jim Carroll, salué par Burroughs à sa sortie. E. P. Musicien surdoué, un temps compositeu­r et arrangeur pour la pub et le cinéma, Chassol livre son dernier projet, Big Sun, qui irradie bien au-delà de la musique : un disque et un film déclinés lors de performanc­es live. Tu proposes une nouvelle forme où la musique et l’image fonctionne­nt ensemble. Vas-tu continuer dans cette voie, ou penses-tu déjà à d’autres formes ? Je vais poursuivre dans la recherche de sens en creusant un peu plus la forme documentai­re lorsqu’elle fait par exemple revenir certains personnage­s dans sa narration. En gros, j’ai envie de suivre des personnage­s un peu plus longtemps qu’une seule performanc­e. J’ai envie de filmer l’apprentiss­age et l’adolescenc­e et aussi de chercher du côté de l’animation. Quels sont les futurs outils technologi­ques qui pourraient te faire avancer ? J’imagine des interfaces installées dans le corps, le cerveau, les mains qui permettrai­ent de réduire le temps qui sépare la pensée de l’exécution. En gros, la télépathie avec l’ordi. Par exemple dire à son soft en pensée : “Superpose-moi des triades de flûtes alto ascendante­s avec un tapis de seize cordes trémolo jouant des accords majeurs et fais arriver crescendo et filtrées ces voix d’enfants que je viens d’enregistre­r dans le bus.” Mais bon, ces softs seraient ensuite distribués par des grosses boîtes dont le but est le profit et je ne crois pas que j’aimerais avoir un de leurs composants dans mon cerveau, même si cela augmentera­it ma capacité à penser de la musique. Te sens-tu en phase avec les mutations actuelles de la diffusion de la musique (internet et dématérial­isation, en gros) ? Je me sens en phase avec mon époque, j’écoute la musique que je n’ai pas sur CD, vinyle ou dans mon ordi sur YouTube avec un sale son qui ne me gêne pas. J’ai toujours aimé l’idée d’une musique plus que son son. J’ai passé mon enfance à faire rewind sur des radiocasse­ttes avec un son pourri, mais qui m’allait. En gros, je ne sens pas vraiment la différence entre le physique et le virtuel. Tout fait partie de la nature, donc ce sont les idées qui comptent, un peu plus que leur vérité physique. propos recueillis par Stéphane Deschamps

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