Les Inrockuptibles

Entourage de Doug Ellin

La transition difficile d’une série culte des années 2000 vers le format du long métrage ciné.

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Dans la liste de voeux des créateurs de séries disparues, la possibilit­é de passer au cinéma figure en bonne place. Depuis des années, la rumeur d’un long métrage inspiré de la géniale Friday Night Lights a couru, avant que les comédiens ne la fassent mourir – question de bon sens, parce qu’un film n’aurait jamais atteint la puissance de la série ? Sex and the City a connu deux prolongeme­nts sur grand écran, le premier vraiment inspiré, le second catastroph­ique au point d’altérer le souvenir même de Carrie Bradshaw et de ses copines.

Le monde avait-il besoin d’une suite à Entourage, quatre ans après sa fin ? La réponse est évidemment négative et ce n’est pas si grave. La série de Doug Ellin a passé huit saisons à arpenter les coulisses d’Hollywood dans le sillage d’une jeune star, Vince Chase, et de son gang de bras cassés plus ou moins récupérabl­es, entre fêtes peuplées de bikinis, voitures à 200 000 dollars et projets de blockbuste­rs impossible­s. Un genre de féerie hétérosexu­elle sans distance, ou presque, dont se dégageait le charme de la bêtise, en plus d’une vision d’insider des rapports de pouvoirs et de sexe dans l’industrie du cinéma à Los Angeles.

Rien n’a changé avec ce film, dont l’action reprend quelques semaines après le dernier épisode, comme si la possibilit­é d’écrire autre chose qu’un long chapitre de sa série n’avait pas effleuré l’esprit du créateur Doug Ellin, devenu scénariste­réalisateu­r pour l’occasion. Il suffit d’un mariage raté côté Chase, d’une retraite avortée côté Ari Gold, et tout repart.

Ari Gold ? La vraie star d’Entourage depuis toujours, c’est lui, l’agent odieux mais brillant incarné par Jeremy Piven. La vitesse de son phrasé et sa méchanceté naturelle sont de nouveau mises en avant, alors que Gold, désormais à la tête d’un studio, se retrouve en position de faire exister le premier essai de Vince Chase comme cinéaste. De ce point de vue, le plaisir reste intact, comme celui de retrouver le frère relou mais attachant Johnny Drama (Kevin Dillon), dont la lose fait toujours plaisir à voir. Une routine qui pourrait durer mille ans.

L’échec du film se trouve ailleurs, dans sa manière de ne pas régler les problèmes de la série. Ses faiblesses restent identiques – un manque d’enjeu crucial – et apparaisse­nt même sous un jour plus flagrant, tant Doug Ellin a refusé de mettre ne serait-ce qu’un minimum son système en danger, alors que l’occasion lui en était donnée. A trop vouloir réconcilie­r les formes (cinéma, série) tout en ménageant ses personnage­s, Entourage devient un objet neutre qui ne concerne plus grand monde, ni les anciens téléspecta­teurs de HBO, ni les amateurs de comédie US nouveau genre. Olivier Joyard Entourage de Doug Ellin, avec Adrian Grenier, Kevin Connolly, Kevin Dillon (E.-U., 2015, 1 h 44)

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