Construire, dit-il
Pour éclairer le théâtre de Thomas Ostermeier à l’occasion de sa venue à Paris et au Festival d’Avignon, L’Arche publie un passionnant livre d’entretiens du directeur de la Schaubühne de Berlin.
Un pavé dans la mare. Cela semblera inouï aux lecteurs français mais Thomas Ostermeier, directeur de la Schaubühne de Berlin depuis 1999 et metteur en scène adulé dans l’Hexagone et dans le monde entier, fait l’objet des plus vives critiques en Allemagne.
Alors que l’on va se précipiter au Théâtre de la Ville à Paris pour voir sa mise en scène du Mariage de Maria Braun de Rainer Werner Fassbinder avant de découvrir sa création de Richard III de Shakespeare au Festival d’Avignon, il est éclairant de se plonger dans ce livre d’entretiens, Ostermeier backstage, réalisé par le journaliste Gerhard Jörder. On y réalise qu’il lui a fallu un tempérament trempé pour mener un parcours artistique d’une envergure à laquelle rien ne l’avait préparé. Sûrement pas son milieu d’origine, quand il était balloté de caserne en caserne au gré des mutations de son père militaire. Encore moins l’atmosphère familiale, souvent houleuse, entre un père violent et une mère protectrice qui a choisi de défendre ses enfants plutôt que de partir. Alors, à 16 ans, Thomas Ostermeier prend le large, fugue, habite chez des amis, dans des squats, voyage en Europe, se lance dans la musique… et tombe dans le théâtre avec un groupe d’amis.
Le récit de sa formation à l’école d’acteurs Ernst Busch de Berlin, dans la section mise en scène, de ses débuts professionnels à la Baracke du Deutsches Theater jusqu’à sa nomination à l’âge de 30 ans à la tête de la Schaübuhne de Berlin, qu’il dirige depuis quinze ans, permet de découvrir une nature pugnace, réfractaire aux effets de mode et qui a trouvé dans la pratique théâtrale la réponse à ses révoltes de jeunesse : “Le drame est un art du conflit, et ce domaine m’était familier depuis mon plus jeune âge. Car il est extrêmement important de savoir ce à quoi l’on s’oppose (…). Et moi, je savais que j’étais contre mon père, contre l’autorité, contre la Bavière, contre les écoles, contre l’Eglise, contre le catholicisme, contre les hauts salaires et contre tous ceux qui, depuis toujours, font la pluie et le beau temps, entre eux.”