Les Inrockuptibles

Une vie de clowns

La nouvelle création des Russes du collectif Semianyki est un drôle de cauchemar qui s’inspire du burlesque de leurs tribulatio­ns à travers le monde.

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Rien n’est simple dans la vie des clowns, même quand de bonnes fées se penchent sur leur berceau et que le destin déroule sous leurs pieds le tapis rouge du succès. Ce qui pour d’autres serait le synonyme de la promesse d’une vie de cocagne s’apparente chez eux à l’immersion dans un cauchemar sans pareil.

Imaginez que le premier spectacle du collectif Semianyki n’était rien d’autre que la version longue d’un workshop présenté en 2003 pour la fin de leur cursus par un groupe d’élèves de l’Ecole de Théâtre de clown et mime du Teatr Licedei de Saint-Pétersbour­g. C’est en 2005 qu’ils ont la bonne idée de débarquer avec armes et bagages dans le off avignonnai­s. Avec le triomphe de leur premier show Semianyki (La Famille), nos clowns russes en herbe se trouvent catapultés à travers le monde dans la tourmente d’une tournée qui semble ne jamais devoir avoir de fin.

Dix années plus tard, ils se posent enfin la question d’une nouvelle création. Mais comme ce sont des clowns, que leur imaginaire les condamne à l’enfermemen­t dans un personnage et au ressasseme­nt des gags en boucle, ils ne trouvent rien de mieux à inventer que de s’inspirer du carnet de route et des souvenirs engrangés durant cette décennie de voyages pour en faire le matériau de la nouvelle prison dorée où ils vont s’enfermer.

Ainsi, Semianyki Express démarre, dans la grande tradition du slapstick du cinéma muet, par une débauche de saynètes qui font leur miel de la hantise de rater le train. De l’ancre géante d’un navire qui appareille en restant invisible à un avion sans carlingue et sans ailes qui décolle quand on fixe une hélice sur un tas de valises, chaque tableau est une démonstrat­ion de leur inaptitude à vivre la normalité. De La Vie en rose à Stand by Me, la bande-son du spectacle s’amuse de la compile de quelques éloquents SOS, pour aborder avec le cabaret le trouble rapport qu’ils entretienn­ent à la séduction en ne sachant montrer d’eux que l’exaltation de leur monstruosi­té. Seul bémol, formaté aux impératifs de l’internatio­nal, ce nouveau show manque d’aspérités. S’agissant des Semianyki, on espérait davantage de causticité. Patrick Sourd Semianyki Express conception Teatr Semianyki, mise en scène Yana Toumina, jusqu’au 5 juillet au Théâtre du Rond-Point, Paris VIIIe, theatredur­ondpoint.fr en tournée jusqu’en avril 2016

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