Les Inrockuptibles

Zéro de conduite

Alors que les taxis réclament son éradicatio­n totale, UberPop n’entend pas céder. Enquête auprès de ces chauffeurs qui travaillen­t sans licence et hors la loi.

-

Des chauffeurs de taxi tentent de retourner la voiture d’un conducteur UberPop. Paris, le 25 juin

Jeudi, 14 heures : c’est la grève des taxis, les UberPop sont pris d’assaut. Par où commencer ? Commander un taxi pour se rendre au siège d’Uber, ou attendre un Uber pour aller Porte Maillot – où les taxis en grève occupent la rue. Pop ! Un Uber vient de se libérer. Samia, 28 ans, arrive en Volkswagen. Difficile d’imaginer une horde de chauffeurs lui tomber dessus : les cheveux lissés dans ses petites barrettes, elle est assise au volant de ce qui semble être la voiture de papa. Elle le sait, c’est pour ça qu’elle s’est permis un petit tour à Roissy. “J’ai passé les barrages filtrants sans problème”, avoue-t-elle. Sans problème, mais discrèteme­nt. “Pour le retour, un client cherchait une voiture. Je n’ai pas voulu le prendre. Impossible de se donner un rendez-vous précis dans le parking et hors de question de se retrouver à la dépose-minute.” Trop risqué.

La discrétion, c’est la consigne d’Uber France, envoyée par mail à ses adhérents depuis le début du bras de fer. Planquer le smartphone qui sert de GPS sous l’allume-cigare. Faire monter les passagers à l’avant, comme des amis. Annuler les courses quand on ne les sent pas. Du haut de son mètre soixante, Samia prend d’autres précaution­s. Un UberPop ne connnaît pas la destinatio­n de sa course avant de l’accepter, mais voit l’adresse de prise en charge. “Si c’est un axe passant où je peux m’arrêter quelques secondes, j’y vais, estime-t-elle. Si c’est une petite rue à l’écart, je n’y vais pas. Si quand je m’approche il y a plus d’une personne, c’est marche arrière immédiate.”

Ça fait deux jours que Samia s’est inscrite sur Uber. Un matin, elle a repéré l’annonce “cherche conducteur avec véhicule” sur Le Bon Coin. Les histoires de taxis qui veulent “casser du Pop”, elle les a entendues, mais ça ne l’a pas refroidie. Elle doit amortir la voiture qu’elle a achetée. Elle en avait besoin quand elle bossait, elle vit au Bourget ; son bled est juste assez desservi pour qu’elle puisse se tenir au courant des problèmes de RER. Finalement, elle a bien fait, pense-t-elle : ce jeudi de grève, elle a empoché 120 euros, déduction faite du montant ponctionné par l’appli.

Steven, la petite trentaine, est lui aussi nouveau conducteur, inscrit depuis trois semaines.

Depuis trois ans, il bosse à La Poste. Il a investi dans une vieille Peugeot. Comme beaucoup de facteurs, il est debout avant le métro, au bureau à 7 heures pour trier le courrier avant d’entamer sa tournée. Depuis quelques jours, il se tâte pour reprendre du service. Se faire bousiller sa caisse est un luxe qu’il ne peut pas se permettre. Mais il ne peut pas non plus cracher sur les 400 euros par semaine que lui

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France