Les Inrockuptibles

L’herbe folle

Avec son approche vigneronne, le “druide” en sandales Stéphane Meyer réinvente l’absinthe.

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Depuis des années, Stéphane Meyer ne boit plus une goutte d’alcool. Cela ne l’empêche pas de mener le revival de l’une des boissons françaises les plus canailles, liée à l’imaginaire fin XIXe, aux maisons closes, à Manet, Zola… L’absinthe a été interdite en France en 1915, partiellem­ent réhabilité­e à partir de 1988 puis de nouveau autorisée sous ce nom en 2011.

Stéphane Meyer lui fait subir un virage à 180 degrés en direction d’une profonde naturalité. “Contre la tradition qui en fait une boisson anisée, j’ai une approche vigneronne, explique le Jurassien. Je nomme mes crus en fonction des massifs où ont été cueillies les herbes. Ils sont composés à 50 % de fleurs d’absinthe, contre 5 % seulement dans les production­s classiques. Je travaille à partir de blé bio. Certains me disent qu’ils n’ont jamais goûté un truc comme ça.”

Mille bouteilles d’Ucenni (massif des Ecrins), Sequanes (Jura) et Ceutrons (Vanoise) ont été produites en 2014. La plus marquante, la deuxième, frappe par son caractère épicé et sa complexité. Les trois se retrouvent dans les meilleurs restaurant­s, palaces ou bistronomi­ques plus abordables, de Septime en passant par Le Verre volé, Astrance, Le Cheval blanc… Ces absinthes visent l’accord avec les assiettes. “A l’Auberge du 15, le chef Yoshi Morie les a servies avec des gelées de crevettes grises. Tout ce qui est iodé fonctionne bien.”

Si Stéphane Meyer a accès aussi facilement au gratin de la food

– en portant des sandales douze mois sur douze –, c’est parce qu’il a acquis une réputation de dénicheur de goûts en tant que cueilleur de plantes sauvages, sa spécialité. “Jusqu’au début des années 2010, je n’allais jamais au restau, confesse celui qu’on appelle “Druid of Paris”. J’ai bossé longtemps pour des labos homéopathi­ques. Je faisais 100 000 kilomètres en six mois au volant d’un camping-car, de la Crète au mont Saint-Michel en passant par l’Italie. Et puis j’ai arrêté la vie de patachon.” Après une période où il fournissai­t en herbes les jeunes Parisiens de Terroirs d’avenir (“Mais le mot commerce ne m’intéresse pas”), Meyer se concentre sur ses alcools dont il ramasse les composants lui-même. “Qu’on en fasse une mode ou pas, la cueillette est à la base de l’alimentati­on humaine”, plaide ce garçon doux. Son prochain projet ? “Créer un gin des montagnes françaises.” Olivier Joyard photo Renaud Monfourny absinthes Druid of Paris au restaurant et chez les cavistes nature, facebook.com/druidofpar­is

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