Les Inrockuptibles

“le cinéma doit faire des choses insensées” Miguel Gomes

Les Mille et Une Nuits de est l’événement cinématogr­aphique de l’été, avec la sortie successive de ses trois volets. Un extravagan­t film-monstre sous forme de fable pour explorer la crise que traverse le Portugal.

- Propos recueillis par Serge Kaganski photo Audoin Desforges pour Les Inrockupti­bles

Emergeant de la riche pépinière portugaise avec La gueule que tu mérites et Ce cher mois d’août, Miguel Gomes a ferré le grand public cinéphile internatio­nal avec l’élégiaque Tabou, succès critique et commercial. Il se présente aujourd’hui armé d’un fabuleux film-monstre qui a déjà fait événement à Cannes, Les Mille et Une Nuits, enchâsseme­nt foisonnant de récits et de registres hétérogène­s, généreuse coulée de cinéma absolument gomésienne où miroitent néanmoins des reflets de Pasolini, Godard, Moullet, Honoré ou Guiraudie. On pourrait méprendre Gomes pour un ludion facétieux, prompt à la provocatio­n et au rire narquois obligatoir­e, mais quand on discute avec lui, c’est plutôt le jeune homme doux et mélancoliq­ue qui ressort, ayant pour moteur une croyance au premier degré dans les vertus du cinéma comme moyen de transport entre le réel et l’imaginaire. La puissance transgress­ive de Gomes est naturelle, dénuée de tout volontaris­me, fruit de son approche libertaire du cinéma, à la seule écoute de sa curiosité et de ses intuitions.

Avant de faire des films, tu étais critique ? Miguel Gomes –

Oui, au siècle passé, pendant les années 90. J’étais connu pour écrire des méchanceté­s sur les autres films et c’est la raison pour laquelle j’ai commencé à faire des films. Le milieu du cinéma s’est dit “donnons à ce connard la possibilit­é de réaliser un film et on verra comment ça se passe. Il se rendra compte que c’est difficile de faire un film” ! En effet, mon premier court métrage était affreux. Mais personne ne s’en est rendu compte et on m’a donné la possibilit­é de continuer et de m’améliorer.

Tu écrivais quels types de papiers ?

J’écrivais dans Publico, un peu l’équivalent de Libération. J’ai surtout écrit sur les films que j’aimais. Je pense que l’exercice critique, c’est certes de l’analyse, mais ça dit surtout beaucoup sur l’expérience de spectateur de cinéma. Cette expérience est sous-estimée, or je pense qu’il existe de bons et de mauvais spectateur­s. Désolé, mais être un bon spectateur de cinéma n’est pas donné à tout le monde.

Quelles qualités font le bon spectateur ?

Dans un film, il y a ce que disent le récit et les personnage­s, et il y a un récit plus secret qui est

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