Les Inrockuptibles

Un été avec Orson

Rétrospect­ives, DVD, livres… A l’occasion du centenaire de sa naissance, Orson Welles renaît sous toutes les formes.

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Orson Welles aurait eu 100 ans cette année… s’il n’était mort il y a trente ans. Peu importe les dates, à dire vrai. En revanche, il est plus que passionnan­t, en 2015, de faire le bilan sur ce qu’a laissé Welles derrière lui, un héritage dont le volume ne cesse de grandir au fil des années et des découverte­s des chercheurs : versions inédites, mémos, émissions de radio, bouts de films réalisés pour accompagne­r des mises en scènes théâtrales, séries documentai­res pour la télévision, etc. Des documents, en plus de ses treize longs métrages, que la Cinémathèq­ue française projette et diffuse jusqu’au 2 août, et qui modifient quelque peu le regard qu’on pouvait porter sur l’un des plus grands cinéastes de l’histoire.

Quelle est son image aujourd’hui ? Pour la plupart des étudiants en cinéma, il est – il faut bien le dire – associé à une sorte de purge. Qui n’a pas déficelé plan par plan Citizen Kane ou La Splendeur des Amberson pendant ses études ne peut imaginer la fâcheuse lassitude que ces deux films pourtant magnifique­s, voire révolution­naires, mais très denses, peuvent inspirer. Il faut donc revoir Welles avec le regard et le plaisir de la première fois, en oubliant presque la légende de l’enfant prodige, de l’artiste maudit, de l’ogre génial, victime d’Hollywood, obligé de vaticiner dans le monde entier pour réaliser ses oeuvres morceau par morceau (le champ en Espagne, le contrecham­p au Maroc) alors qu’il n’aimait a priori rien tant que les plans-séquences, ou de jouer dans les films des autres pour produire les siens.

Ce qu’il y a de passionnan­t dans le trajet de Welles, c’est qu’il correspond à une conception du cinéma qui est en train de revenir sur le devant de la scène. Welles est de notre temps, il est de nouveau à la mode ! Pourquoi ? D’abord parce que son cinéma, avec ses cadres expression­nistes, son langage hyper codifié et le jeu volontaire­ment théâtral de ses acteurs, n’a rien de naturalist­e, et que le naturalism­e n’est plus de mode – les cinéastes vivants qui comptent le rejettent violemment.

Mais surtout parce que l’aspect composite, explosé, perpétuell­ement inachevé des travaux de Welles est d’une modernité incroyable. La recherche sur le cinéaste et les archives révélées dessinent, derrière le mystificat­eur malicieux et/ou malheureux, le portrait d’un artiste multimédia qui a retravaill­é toute sa vie les mêmes oeuvres (Shakespear­e), les mêmes thèmes (trahison, manipulati­on et mensonge), les mêmes histoires de manière obsessionn­elle (la recherche du passé comme manière de le détruire). Sur tous les supports (radio, théâtre, cinéma, télévision).

Une sorte de DJ fou à la puissance créatrice phénoménal­e, qui fit à la fois son génie et l’empêcha de marcher. Allons voir et revoir Dossier secret (Mr. Arkadin), La Dame de Shanghai, La Soif du mal avec un regard différent, neuf. Jean-Baptiste Morain rétrospect­ive Orson Welles jusqu’au 2 août à la Cinémathèq­ue française, Paris XIIe, cinematheq­ue.fr et jusqu’au 12 juillet à l’Institut Lumière de Lyon, institut-lumiere.org Blu-ray Citizen Kane (collector), éditions Montparnas­se, environ 50 € Blu-ray et DVD Dossier secret (Mr. Arkadin), Autour du monde avec Orson Welles, Carlotta, 20 € (+ rééditions d’Othello et de Macbeth, 20 € chacun, 40 € le coffret collector 3 Blu-ray + 1 DVD) à voir Falstaff version restaurée, en salle le 22 juillet à lire Orson Welles d’Anca Visdei (Editions de Fallois), 450 pages, 20 €

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