Les Inrockuptibles

Jeux dangereux

Du lancer d’humains à la mise à mort d’animaux, certains sports furent interdits, puis oubliés. Un bibliophil­e anglais en dresse l’encyclopéd­ie : un ovni aussi drôle qu’effarant.

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Avez-vous jamais pratiqué la boxe avec feux d’artifice, le remplissag­e de cabines téléphoniq­ues ou encore la lutte sur pieuvre ? S’ils font penser à un sketch des Monty Python, ces sports pour le moins bizarres ont bel et bien existé. Mais, trop violents, difficilem­ent praticable­s ou cruels envers les animaux, ils sont tombés dans les oubliettes de l’histoire. Jusqu’à ce que Edward Brooke-Hitching, un bibliophil­e peu commun, ne les redécouvre. L’idée de l’encyclopéd­ie lui est venue en tombant sur une illustrati­on dans un grimoire allemand de 1719. Celle-ci dépeignait une activité du nom de Fuchsprell­en, “combinaiso­n étrange des mots ‘renard’ et ‘lancer’ (…). On y voyait des nobles bien mis envoyer en l’air des goupils aux jambes écartées.” “Combien d’autres sports du même calibre sont aujourd’hui oubliés ?”, se demande alors le Britanniqu­e. Son encyclopéd­ie en répertorie une soixantain­e, classés par ordre alphabétiq­ue. Fascinants, hilarants ou effrayants.

Particuliè­rement bien illustré et documenté, le livre tient des miscellané­es et du catalogue d’objets introuvabl­es. On y apprend ainsi que l’auto-polo (inspiré du polo, qui lui remonte au VIe siècle avant J.-C., où il servait d’entraîneme­nt aux troupes de cavalerie perse) remplaçait les chevaux par des voitures et qu’il atteignit son apogée outre-Atlantique en 1924, avant de décliner en raison des dépenses trop élevées liées aux blessures et dégâts fréquents (“Pour le plus grand plaisir du public, les pilotes oubliaient bien souvent la balle pour mieux foncer dans leur adversaire”).

Certains se délecteron­t du ou concours d’insultes, né en Ecosse au Moyen Age, où s’inventèren­t des merveilles comme “lâche atteint de vérole” (cuntbitten drawdon), “enfant trouvé mal conçu” (wan fukkit funling) ou encore “merde sans esprit qui adorerait lancer des pleines charrettes de merde”. Parmi les sports de foire, le concours de pudding british “était un spectacle douloureux à voir”, témoigne un spectateur en 1861. Quant au “football médiéval”, qui date de 1314, il consistait à envoyer une vessie de porc gonflée dans le camp adverse. Tous les coups étaient permis et les parties se transforma­ient vite en batailles rangées entre villageois, à tel point qu’elles furent interdites par décrets royaux.

Dans la catégorie des ridicules, on trouve le “ballet à ski” apparu aux JO d’hiver de 1988, créant une “sorte de créature de Frankenste­in en Lycra, née de la fusion du saut à skis, du patinage artistique et d’un goût vestimenta­ire douteux”. Au rayon sadique, le “cricket unijambist­e”, la “pêche à l’humain” et le “lancer d’humain” rappellent comment nos ancêtres pouvaient se montrer aussi inventifs que cruels envers leurs semblables.

Mais c’est surtout le sort réservé aux animaux qui sidère, entre “combats de canards”, “coup de tête sur chat”, “chat dans le tonneau”, “chat en feu”, “gober de poissons rouges”, “matraquage d’oiseau”, “voiture contre taureau”, “tir à l’arc sur poulet et autres sports violents sur volaille”. Yann Perreau

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L’Encyclopéd­ie des sports oubliés d’Edward Brooke-Hitching (Denoël), traduit de l’anglais par Laurent Barucq, 272 pages, 17,90 €

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