L’âge d’or
La musique de Brian Eno, le silence et Shakespeare s’emboîtent parfaitement pour porter à incandescence la danse d’Anne Teresa De Keersmaeker dans Golden Hours.
Douce, vive et entêtante, la musique emplit l’espace vide. C’est le premier bonheur de cette stupéfiante création d’Anne Teresa De Keersmaeker : fermer les yeux et écouter, se laisser bercer par l’air de Golden Hours de Brian Eno et dériver, relâcher la pression. Une mise en condition qui introduit, à la deuxième écoute, l’entrée en scène de onze jeunes danseurs qui avancent lentement face au public. Bonheur réitéré à la troisième écoute, scellant l’unisson des corps, leur ralenti contrariant délicieusement la nonchalance rythmée de la musique. Accord subtil, irrésistible entre sa fraîcheur acidulée et la jeunesse des corps, presque statufiée, “éternisée”, emmagasinant l’énergie de la danse à venir qui marque un autre contrepoint, non plus musical, mais dramaturgique, avec la pièce de William Shakespeare Comme il vous plaira.
Si l’argument de la pièce, brossé à grands traits par des surtitres projetés sur le plateau, fournit la grammaire de la chorégraphie, c’est l’écriture du geste qui se charge de donner chair et mouvement à cet âge d’or rêvé par Shakespeare d’un retour à la nature qui célèbre l’amour. Au passage en boucle de Golden Hours de Brian Eno succèdent le silence et le développement d’une danse libérée de toute attache, de l’obligation de s’articuler à la structure d’une partition ou à la lecture d’une narration. Pure présence des corps, donnant libre cours à l’imagination et à l’improvisation, la danse se délie et se précise dans l’arrondi du geste, les volutes des bras, la candeur des déplacements, le dessin d’une esquive, l’énergie d’une attaque et le passage de relais, la prise en charge des personnages d’un danseur à l’autre, indifférente au genre, au sexe, à l’âge, mais perméable au moteur de la pièce, dont les grands thèmes s’inscrivent au fronton du théâtre : “Contre la servitude – la liberté, non le bannissement – Demeurez là mes vers, témoins de mon amour”.
Evidemment, Golden Hours désarçonne le public, mais surtout le captive. Anne Teresa De Keersmaeker la voit comme un laboratoire où elle développe ses outils chorégraphiques en confrontant deux principes : “Comme je marche,
une danse libérée de toute attache