Les Inrockuptibles

Vincent m’a tuer ?

En limogeant le patron de Canal+ après avoir voulu la peau des Guignols et sorti Le Grand Journal des programmes de la rentrée, le boss de Vivendi Vincent Bolloré s’impose en force et marque la fin d’une époque.

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La fin des Guignols ? Vincent Bolloré en rêve depuis qu’il a pris les rênes du groupe Canal+. Durant quelques jours, début juillet, beaucoup ont cru à l’éradicatio­n de l’esprit corrosif de la chaîne, autant qu’ils l’ont craint. Pour Bolloré, créateur en 2005 de Direct 8, dont l’impertinen­ce n’avait d’égale que la finesse d’esprit – totalement nulle –, l’humour sur Canal+ devrait se réduire à des vannes dépolitisé­es, quelque part entre la déconne beauf à la Cyril Hanouna et la touche comique inoffensiv­e, comme chez Florence Foresti ou Gad Elmaleh, approchés en vain pour remplacer les Guignols mal aimés.

L’emballemen­t médiatique que suscita l’avenir des marionnett­es (et des trois cent personnes qui travaillen­t pour elles depuis vingt-sept ans) a atteint la semaine dernière un niveau d’intensité très rare. Comme si presque vingt ans après la couverture provocatri­ce des Inrocks en juin 1996, saluant le départ des premiers auteurs (Delépine, Halin), la fausse prophétie se réalisait. Mais si cette fin semble plus ou moins avortée, suite à une impression­nante réaction collective durant trois jours (réseaux sociaux en surchauffe, pétitions, unes des quotidiens, soutiens issus des rangs politiques eux-mêmes…), elle flotte dans l’air nouveau de Canal+.

Les Guignols restent en sursis. Maxime Saada, directeur des programmes promu no 1 de la chaîne en pleine pagaille, doit concocter d’ici quelques jours une nouvelle grille

à la demande de Bolloré. Les auteurs et l’équipe artistique pilotée par Yves Le Rolland estiment que le passage annoncé en hebdomadai­re ou en crypté, comme le souhaite Bolloré, “serait une suppressio­n déguisée”. Autant dire, un diktat non négociable.

Tous ont appris, dès le 26 juin, que Bolloré voulait leur peau. “Dans le couloir, le dernier jour de l’émission avant les vacances, il a exhorté Maxime Saada à régler le problème. Cela a été une vraie claque pour nous tous”, confie un auteur. Mais pourquoi cette fixation sur Les Guignols ? Plusieurs proches confirment que, malgré ses démentis officiels, Nicolas Sarkozy, proche de Bolloré, est en boucle depuis des mois sur le sujet. “Michel Denisot prépare en ce moment une émission avec lui, Conversati­on secrète : il ne cesse de répéter que Les Guignols sont une honte”, avoue un salarié de la maison.

La malveillan­ce subie par Les Guignols aboutit au terme de deux jours de vive tension en pleine canicule au sacrifice de deux victimes collatéral­es : Le Grand Journal qui les abritait, jeté à la corbeille des programmes en quelques secondes, le 3 juillet (à moins que les tractation­s encore en cours ne débouchent sur un compromis) ; mais surtout le patron de Canal+, Rodolphe Belmer, rejeté par Bolloré pour lui avoir tenu tête et avoir soutenu Les Guignols coûte que coûte, contre sa volonté. Un péché de lèse-majesté : beaucoup de salariés en interne ont compris que l’homme n’apprécie pas qu’on lui résiste. C’est lui qui dicte la loi, commande les troupes, fixe un cap,

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L’homme pilote la stratégie de la chaîne cryptée et entend le faire savoir

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