Les Inrockuptibles

Place à la madeleine

Proust en avait fait un souvenir. Elle resurgit des nôtres, belle et bien vivante, déclinée en de multiples versions.

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Macarons, cookies, éclairs, choux ont eu leur heure de gloire. Place à la madeleine. Ce petit gâteau à la forme généreuse d’un sein sur un banc de sable, qui colle à Swann comme à Commercy, fait un retour fracassant. Chaudes, colorées, salées, expansées, “ces gâteaux courts et dodus qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques”, comme les décrivaien­t Marcel Proust, ressortent des placards pour prendre la voie des grands succès pâtissiers.

Née en 1770 en Lorraine, la madeleine s’est vendue à la criée sur le quai de la gare de Commercy à un rythme quotidien de 2 500 unités jusqu’à la moitié du XXe siècle. Le train est passé, la boîte en sapin des Vosges est restée. Désormais, la bien nommée Marion Proust les livre en vélo électrique aux salons de thé parisiens bien éduqués ou au Front de mode (Paris IIIe). Les “Léonie” de mademoisel­le Proust, fabriquées dans son atelier de Vincennes en version matcha, nature et bio, arrivent aussi sans gluten. Des historique­s modèles de la Biscuiteri­e Pouget qui régale Sète depuis 1931 aux Mesdemoise­lles Madeleines de la rue des Martyrs (Paris IXe), le parfum de fleur d’oranger est dans l’air. Ici, on les mange fenouil-cassis, là on les déguste encore chaudes. Dans ses bistrots, Cyril Lignac ne laisse personne repartir sans avoir entamé la plaque sortant du four. Laurent FavreMot a quitté Marseille pour Pigalle (Paris IXe) avec la ferme intention de détrôner la plus gourmande des madeleines parisienne­s. Son grand modèle de 510 grammes dépasse la géante de 120 grammes que Conticini (conticini.fr) réalise depuis 2009, à l’image de l’effet que lui procurait la madeleine dans la main quand il était enfant.

A Mad’leine (Paris XVe), Akrame Benallal offre lui aussi depuis peu une deuxième vie à ce petit plaisir bombé,

agité par le souvenir d’enfance de la madeleine préparée avec le café au lait de sa maman. Son kiosque enfourne non-stop de 10 heures à 21 heures des madeleines parfumées au chocolat, citron tonique ou tonka-fraise, et au coeur dégoulinan­t de miel jasmin au beurre Bordier. Avec un emballage en forme de cocotte de nos cours d’école, au graphisme street art de Tanc et Honet, on résiste mal à la gourmandis­e régressive qui, tout à coup, vient de passer à l’âge adulte. Cécile Cau

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