Amy, toute en images
Exclusivement composé d’images d’archives, le controversé Amy d’Asif Kapadia lève le voile sur le mythe Amy Winehouse et réinvente le genre du documentaire musical à l’ère YouTube. A la rencontre de ceux qui ont porté ce biopic innovant.
Asif Kapadia vient de réussir son coup. Il le sait. Dans les salons de l’hôtel de luxe où on le rejoint ce 16 mai, le cinéaste britannique fait les cent pas, surveille son iPhone et manipule fébrilement sa montre en attendant les prochains rendez-vous. La veille au soir, son film Amy, documentaire consacré à l’icône déchue Amy Winehouse, fut présenté en Séance de minuit au Festival de Cannes dans une salle chauffée à blanc. Précédé d’une vive controverse suite aux appels au boycott lancés par le père de la star, Mitch Winehouse, le film dérouta les fans et divisa la critique, entre éloges exaltés et accusations de voyeurisme. “Tant mieux si l’on fait débat, dit le réalisateur d’une voix claire, déterminée. Depuis la projection, des journalistes et des proches d’Amy Winehouse m’avouent qu’ils ont redécouvert la chanteuse, qu’ils se posent de nouvelles questions sur son parcours, sur sa mort. D’autres s’indignent, défendent leurs intérêts, mais c’est normal : nous savions que le projet ne serait pas consensuel.”
De fait, Amy ne ressemble pas vraiment aux biopics mainstream qui polluent chaque mois les écrans ; c’est un essai formel radical et intimiste, un filmenquête ultradocumenté et romanesque, qui revient aux origines du mythe et explore ses zones d’ombre. Une anomalie totale à l’échelle du docu musical.
L’histoire de ce projet singulier débute à l’été 2012, soit un an après le décès d’Amy Winehouse,
retrouvée morte par overdose d’alcool dans son appartement de Camden Town, à Londres. A cette époque, Asif Kapadia semble en pleine crise d’inspiration. Courtisé par les plus gros studios après le succès de son précédent film, Senna (2010), un superbe portrait du pilote Ayrton Senna composé uniquement d’images d’archives, il ne sait toujours pas quel nouveau sujet aborder, hésite, tâtonne, jusqu’à ce que son ami et producteur James Gay-Rees reçoive un coup de fil inattendu. “C’était le boss d’Universal Music pour l’Angleterre, nous raconte cet homme d’affaires à la coule, lunettes rondes et look de hipster soigné. Il venait de voir Senna et m’a dit : ‘Nous lançons un projet de film sur Amy Winehouse et nous voudrions que votre équipe le réalise.’ Sur le coup, j’étais un peu décontenancé : qu’est-ce qu’on pouvait faire avec une major comme Universal ? Allaient-ils nous laisser bosser selon nos méthodes ? J’hésitais et en même temps je pressentais que c’était un sujet en or, qu’il y avait un truc à raconter.”
Asif Kapadia eut la même intuition et saisit très vite “le potentiel romanesque” du cas Amy Winehouse. “Je ne connaissais pas très bien sa musique mais