Les Inrockuptibles

Golden eighties

Quatre beaux films des années 80 de Paul Vecchiali ressortent en salle, ainsi qu’un des sommets de son oeuvre en DVD.

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L’hiver dernier ressortaie­nt en salle quelques jalons essentiels de l’histoire du cinéma français, les films des années 70 de Paul Vecchiali : L’Etrangleur, le sublime Femmes, femmes, Change pas de main et l’éblouissan­t Corps à coeur. Six mois plus tard, ce sont ceux des années 80 qui prennent le relais. La période suscite un culte plus inégal. Elle comprend pourtant de très beaux films.

En premier lieu, En haut des marches (1983). Le film se confronte à deux figures tutellaire­s fondamenta­les : sa mère et sa star. La mère, on la voit en photo au générique. La voix off du cinéaste s’adresse à elle, qui ne verra pas le film (de fait, elle disparaît durant le tournage). La fiction qui suit sera imprégnée d’elle, sans qu’il faille y lire une vérité biographiq­ue. Plutôt un bouquet de réminiscen­ces, déplacées par le champ de la fiction. La star, c’est Danielle Darrieux, l’icône absolue du cinéaste qui découvrit à l’âge de 6 ans son portrait en couverture d’un magazine et lui voua dès lors une passion sans limite. La mère est idolâtrée comme une star, la star est l’évident objet transition­nel pour la mère. Et les deux figures glissent l’une sur l’autre dans une rumination complexe où les spectres d’un pays et d’un siècle (la Seconde Guerre mondiale, la collaborat­ion, l’OAS…) cernent les fétiches amoureux.

Once More (1988) est aussi un grand film : le parcours en quelques plans-séquences magistraux d’un homme sur près de dix ans, de sa vie conjugale hétéro à sa disparitio­n des suites du sida, en passant par un grand amour manqué avec un moustachu en cuir. Outre son acuité à l’époque (première fiction du sida en France), le film saisit par sa fièvre à dire le chagrin amoureux, le sentiment d’asphyxie, l’anéantisse­ment par amour. On passera plus rapidement sur Le Café des jules, adaptation néanmoins très réussie d’une pièce de Jacques Nolot autour d’un viol, et sur Rosa la rose…, drôle de mélo au casting farfelu et vintage (Marianne Basler, Pierre Cosso et Catherine Lachens).

Enfin, étrangemen­t passé entre les mailles de ces deux salves de reprises, un film génial de 1977, qui n’a pas eu droit à sa ressortie en salle mais bénéficie néanmoins d’une sortie DVD : La Machine. Jean-Christophe Bouvet, vraiment prodigieux, y incarne un homme accusé d’avoir assassiné une fillette. Il y a beaucoup de machines dans la machine : la machine judiciaire, lourde, protocolai­re, mais aussi poreuse (subissant toutes sortes de pressions, notamment celle de l’opinion publique) ; la machine médiatique (sous les traits d’un téléviseur plein cadre diffusant de fausses actualités, qui parasitent le récit à répétition, parfois pour une quinzaine de minutes) ; la machine à trancher des têtes enfin, la guillotine, sur laquelle se clôt le film, plaidoyer contre la peine de mort d’une sauvagerie inouïe.

On attend désormais un travail de réédition sur les décennies suivantes de Paul Vecchiali, des années 90 à nos jours, période la plus récente et pourtant la plus connue, qu’on espère voir rassemblée un jour en coffrets. Jean-Marc Lalanne Paul Vecchiali, rétrospect­ive partie 2 de 1983 à 1989 ( En haut des marches ; Rosa la rose, fille publique ; Once More ; Le Café des jules) DVD La Machine (La Traverse), environ 20 €

“Once More” saisit par sa fièvre à dire le chagrin amoureux, le sentiment d’asphyxie, l’anéantisse­ment par amour

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