Les Inrockuptibles

British touch

Le remake réussi de Real Humans confirme la touche particuliè­re d’une maison de production anglaise exceptionn­elle, Kudos.

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Nous pourrions profiter de l’occasion pour accuser les Anglais de commettre le mal. Le tableau est d’ailleurs cohérent. Eux, les seuls capables de résister à la domination américaine, non seulement s’allient maintenant avec l’ennemi mais emploient ses méthodes ? Après plusieurs années de tergiversa­tions, l’excellente série suédoise Real Humans vient en effet d’être refaite par une alliance entre Channel 4, la chaîne de Skins, et AMC, la chaîne de Breaking Bad. Las, le résultat n’a rien de vraiment critiquabl­e, cynique ou impersonne­l.

La trame de la série originale créée par Lars Lundström est intacte. Même si l’action a lieu désormais en Angleterre, il s’agit de radiograph­ier une famille, puis un pays, à travers leurs rapports avec des robots ressemblan­t trait pour trait à des humains. Employés pour diverses tâches, d’abord ménagères mais parfois aussi sentimenta­les, voire sexuelles, ces androïdes baptisés “Synths” servent de vecteur aux conflits sociaux et intimes. Via leur perfection de surface, ils révèlent nos failles et les insuffisan­ces de nos liens. Certains de ces robots s’y connaissen­t très bien dans ce domaine : par un dérèglemen­t digne de l’imaginaire d’Isaac Asimov, ils ont développé des sentiments. Le jeu des acteurs qui les interprète­nt fascine toujours autant par sa manière de renoncer à toute expressivi­té classique pour inventer un paradoxe : une sorte d’indifféren­ce concernée.

Là où Humans (pourquoi avoir enlevé le mot “Real” du titre, seul Dieu le sait) perd un peu de terrain par rapport à celle qui l’a précédée, c’est dans la visée politique, pour l’instant moins développée. La série suédoise filait conscienci­eusement une métaphore liée à l’immigratio­n et à la manière qu’a une entité humaine de se comporter avec les étrangers. Ici, le discours se fait pour l’instant plus discret, moins abruptemen­t contempora­in, pour privilégie­r une atmosphère de mystère, moins lisible au premier regard mais aussi plus addictive. Les épisodes de Humans durent une dizaine de minutes de moins que ceux de la série originale, détail qui n’en est pas vraiment un. La précédente, c’était sa seule vraie faiblesse, avait tendance à s’égarer parfois dans d’étranges circonvolu­tions. Ici, nous allons droit au but, à la recherche de l’épure et de l’effet immédiat. Dan Tetsell et Gemma Chan

Alliée à une forme d’élégance visuelle parfois presque froide, cette manière d’envisager la fiction est immédiatem­ent reconnaiss­able par les amateurs de bonne séries british depuis quinze ans. Un coup d’oeil au générique le confirme, nous sommes en terrain connu puisque Humans a été produite par Kudos, maîtresse du drama à l’anglaise contempora­in. Dirigée par Stephen Garnett, cette maison de production basée à Londres a survécu à un rachat par le groupe Shine en 2007 pour continue à imposer sa patte reconnaiss­able entre mille.

Parmi ses production­s réputées, passées ou présentes, on trouve Occupation, The Hour mais aussi Utopia et Broadchurc­h. Soit aucune série absolument révolution­naire – sauf peut-être l’avant-dernière citée – mais une flopée de créations solides aux sujets en phase avec les palpitatio­ns du monde. S’il existe une politique des producteur­s comme il existe une politique des auteurs ou des acteurs, Kudos l’incarne. Sérieuse, moderne et efficace, elle représente la fiction européenne dans ce qu’elle a de plus novateur. Comment critiquer son alliance avec l’Amérique ? Même de ce côté-là de l’Atlantique, certains ont des leçons à tirer d’elle. Olivier Joyard

Humans sur Channel 4 et AMC

ici, nous allons droit au but, à la recherche de l’épure et de l’effet immédiat

MI-5, Life on Mars,

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