Les Inrockuptibles

Neil Young + Promise Of The Real

The Monsanto Years Le Loner joue les moissonneu­ses-batteuses pour s’attaquer aux multinatio­nales.

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Le vieux volcan canadien conjugue ses combats contre la mondialisa­tion avec des chansons étonnammen­t sereines. Et garanties sans OGM. “Ne dites pas que les pesticides donnent des enfants autistes, les gens ont envie d’entendre parler d’amour”, chante Neil Young sur People Want to Hear about Love, ce qui situe l’ambiance plutôt empesée et manichéenn­e de ce nouvel album. Au risque de passer, au mieux pour un Don Quichotte combattant les moulins à céréales et café transgéniq­ues, au pire pour un vieil Indien grincheux n’ayant plus le temps ni la force d’affûter ses flèches, le Loner joue ici les moissonneu­ses-batteuses sans la moindre subtilité poétique.

Monsanto, Starbucks, ceux qui exploitent les fermiers et polluent les rivières en prennent ainsi plein leur mangeoire industriel­le, ce qui est certes salutaire mais ne confère pas pour autant à cet album un souffle à la Steinbeck – ni même à la Springstee­n. L’éclair de lucidité qui perce à la fin de ce sombre tableau (If I Don’t Know) montre bien que Neil Young ne croit plus des masses au pouvoir des chansons pour changer le monde, comme lorsqu’il dénonçait il y a presque trente ans le sponsoring des marques (This Note’s For You), combat qui paraît bien désuet à l’ère des Kanye/Pharrell hyper brandés.

C’est donc plutôt sur le terrain musical que l’on ira chercher un peu de fraîcheur (toute relative), son nouveau groupe ayant au moins le mérite du renouvelle­ment. Après deux fausses notes (l’inaudible A Letter Home, caprice rétro assez risible, et l’ennuyeux Storytone qui ne vaut guère mieux), il retrouve un peu de prestance en enrôlant notamment à ses côtés les deux fistons de Willie Nelson, Micah et Lukas, pour des parties de guitares moins fourbues que celles du Crazy Horse.

Disque sans la moindre esbroufe, alternant les emballemen­ts électrique­s (Big Box) et les accalmies acoustique­s (Wolf Moon), The Monsanto Years doit beaucoup de sa distinctio­n au travail sur les voix ainsi qu’à sa manière d’aborder à la hussarde les dogmes de la country (Workin’ Man) et du classicism­e rock nordaméric­ain. Prouvant si besoin était que le génome youngien n’est pas à la veille d’être modifié par quiconque. Christophe Conte

neilyoung.com/monsanto

Warner

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