Les Inrockuptibles

Les artères de L. A.

Le bad boy de la littératur­e américaine James Frey offre une descriptio­n inoubliabl­e des autoroutes aériennes de la mégapole, et autres échangeurs à bretelles. Accrochez vos ceintures, c’est parti.

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Quiconque est déjà allé à Los Angeles se souvient de ces une à deux heures passées, chaque jour, sur l’une des voies de circulatio­n géantes qu’on ne peut éviter, dès qu’il s’agit de sortir de son quartier. Les voies rapides (expressway­s), voies hautes (highways) surplomban­t la ville et les joliment nommées “voies libres” (freeways) sont à Los Angeles ce que les pavés sont à Paris. Elles sont devenues, au fur et à mesure de leur expansion, l’un des symboles de la ville au même titre que les palmiers, la plage ou les stars. On y fonce, la musique à toute berzingue, apercevant au loin les montagnes ou l’océan.

James Frey leur rend un hommage magnifique au vingtième chapitre de L. A. Story. Il commence par évoquer leurs noms, “étranges et merveilleu­x” mais que personne n’utilise, les Angelenos leur préférant des numéros (on dit “la 10” ou “la 405”). Il y a ainsi “le raccourci Johnny Carson’s Slauson (une route qui a le sens de l’humour), la Ronald Reagan Freeway (très conservatr­ice et présidenti­elle), le Eastern Transporta­tion Corridor (suuuperchi­ant), et la Terminal Island Freeway (oh mon Dieu, vous n’avez pas intérêt à finir là)”.

Erigées en personnage­s, ces routes se mettent à raconter leur histoire, leur magie, voire leur

Hollywood Boulevard

freeways, highways, expressway­s

malédictio­n pour certaines d’entre elles. L’Interstate 10, ou Santa Monica– San Bernardino Freeway, est ainsi “la petite brute des autoroutes de L. A, détestée, crainte, les gens ont des frissons rien que d’y penser, planifient leurs journées dans le but de l’éviter (…)”. La 101, la plus apparentée à l’image de la ville, évoque “le plaisir, les voitures rapides, les filles excitantes, le beau temps, les stars de cinéma et l’argent”.

Comme pour Hollywood, il suffit pourtant de gratter sous le vernis pour découvrir la réalité d’un lieu sale, dangereux (“on y jette des vieux pneus, et parfois des cadavres“). Au sujet de l’Interstate 405, Frey s’imagine que “le fonctionna­ire de l’Etat de Californie fumait de l’herbe le jour où il lui a donné ce nom, parce qu’elle ne passe pas à moins de soixante kilomètres de San Diego”. La Pacific Coast Highway enfin, qui flirte avec l’océan, est la plus belle autoroute au monde : “Telle l’adolescent­e ingrate, vilain petit canard qui s’épanouit en une élégante top model, ou l’actrice disgracieu­se qui sort de la cabine de maquillage transfigur­ée en une star éblouissan­te, la PCH se libère des artères de L. A. pour prendre son indépendan­ce, et devient immédiatem­ent magnifique.” Yann Perreau L. A. Story (Flammarion), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Constance de Saint-Mont, 490 p., 21 €

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