Comme un torrent
Plus encore que les rires gras, les sanglots inondent les plateaux de télévision. Animateurs, anonymes, artistes, politiques : tout le monde pleure à la télé, nouveau déversoir hystérique des affects impudiques.
Qu’est-ce qu’on a pleuré à la télé cette année ! De Claire Chazal à Audrey Pulvar, de Roselyne Bachelot à Cyril Hanouna, de Valérie Bonneton à Stromae, de Thierry Marx à Aymeric Caron, de Lady Gaga à Gilles Verdez, les larmes ont coulé. Ces micro-événements lacrymaux resteraient anecdotiques s’ils ne formaient l’indice d’un fait total à l’échelle des valeurs de la télé : la place qu’ont prise, ces dernières années, les pleurs à l’écran. Les larmes du chagrin ou les sanglots de l’émotion se déversent sur les plateaux. Inondés par ces torrents continus, autant que par le fiel des agités rigolos du PAF, les larmes électrisent l’ambiance plus qu’elles ne l’attristent.
En deux temps trois mouvements de caméra, on passe des larmes aux rires, des hurlements aux voix aphasiques, des cris aux tremblements : la loi du spectacle télévisuel invite à ne rien dissimuler de ses propres affects. Pire, elle conditionne leur manifestation explicite. Tout semble surjoué, excessif, poussé à bout, impudique. Le pathos n’a même pas besoin d’être désiré de manière stratégique par des programmateurs en quête de moments d’égarement ; c’est tout à fait naturellement qu’il se déploie sur un plateau télé, vraie scène tragique (et comique) du spectacle outrancier du monde contemporain : un spectacle souvent très lourd, gênant, laid, mais fascinant par sa capacité à accueillir et mettre en scène les pulsions des invités. Tout est cash aujourd’hui à la télévision : l’expression de ses propres émotions autant que la promesse de l’investigation.
Comme si au bout du compte, tout s’équilibrait, ou plutôt tout s’annulait. Les pleurs se perdent dans les cris de joie, les larmes se fondent dans l’hystérie générale. On ne pleure jamais dans un moment de recueillement ou de silence, mais toujours au coeur de l’effervescence et de la fureur. Ce n’est pas un hasard si ce sont souvent les “trublions” du PAF, les professionnels de la bonne humeur portée en bandoulière, qui basculent dans les pleurs sans vergogne. Puisque tout – et n’importe quoi – est propice aux larmes. Un souvenir d’enfance qui affleure (Stéphane Bern évoquant sa mère aimée en décembre 2014 ou Cauet, ému, évoquant ses parents en juin 2014 sur