À l’origine

Des débuts du langage à ceux de la religion : vaste programme survolé dans un documentaire didactique mais fourre-tout.

Drôle de titre pour un documentaire un peu fourretout, conçu dans le cadre d’un programme d’Arte sur les origines de l’univers et de l’humanité. Ce film de Frank Guérin et Emmanuel Leconte vise à démontrer que les hommes dits “préhistoriques” avaient déjà exploré une foule de domaines cognitifs, artistiques et cultuels. On ignore pourquoi les propos des différents chercheurs qui témoignent sur des aspects divers de leurs spécialités (préhistoriens, philosophe, ethnominéralogiste, paléosculpteur, etc.) sont constamment illustrés (voire mimés) par un groupe de danseurs. Sans doute sont-ce des interludes destinés à aérer un film didactique, a priori peu visuel. Normal, il traite en partie du langage.

On y apprend par exemple que la taille des silex faisant office d’armes ou d’outils nécessitait une conceptualisation, qui était déjà presque un discours. Des chercheurs auraient d’ailleurs découvert que le langage, contrairement à ce que l’on pense, n’est pas seulement acquis, mais aussi en partie inné, ce qui expliquerait le particularisme de l’espèce humaine : la parole. Du verbe on passe à l’art, présent dès le paléolithique. On connaît bien sûr les peintures animalières sur les parois des grottes, et la sculpture. Une longue partie est consacrée à un artiste allemand qui élabore des statuettes préhistoriques à l’ancienne, utilisant de simples éclats de silex comme outils. Un autre spécialiste étudie une discipline préhistorique rarement évoquée : la musique. Il a découvert que des objets en pierre trouvés dans le Sahara et baptisés “pilons”, sont en fait des ancêtres du vibraphone au son cristallin.

Mais le véritable intérêt de ce documentaire est ailleurs. Il a trait à l’exhumation en 1995, au sud de l’Anatolie en Turquie, à Göbekli Tepe, d’un grand centre votif du dixième millénaire avant J.-C. ! Ce lieu à peine déblayé bouleverse nos idées préconçues en terme d’art, de représentation et de religion originelle. C’est un temple où sont plantés de grands parallélépipèdes verticaux en pierre sculptée. D’après le découvreur du lieu, l’archéologue allemand Klaus Schmidt, ce centre fut le lieu à partir duquel l’agriculture essaima dans la région limitrophe du Croissant fertile, d’où est issue par extension la société urbaine. Göbekli Tepe nous apprend que la civilisation est née de la religion, et pas l’inverse. Et aujourd’hui, soit douze mille ans plus tard, à soixante kilomètres de là, en Syrie, un groupe de fanatiques sanguinaires tente d’éradiquer la civilisation au nom de la religion… Vincent Ostria Le Grand Roman de l’homme documentaire de Franck Guérin et Emmanuel Leconte. Mardi 14, 22 h 55, Arte