Les Inrockuptibles

Cher Philippe de Villiers

Par Christophe Conte

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A l’image du chiendent, de l’herpès ou des tournées d’adieu de Charles Aznavour, il semblerait que l’on ne soit jamais complèteme­nt débarrassé de toi. Même en coma de la vie politique, tu bouges encore, comme attiré par l’odeur de fumier qui flotte dans l’atmosphère, quand les Ménard Collard dégazent dans le poste, que Morano fait du karaoké sur un vieil air rance du Général, quand certains propagandi­stes burlesques rêvent de Zemmour à l’Elysée et d’Onfray en commissair­e idéologiqu­e.

On sent bien que tu regrettes de ne pas pouvoir jouer pleinement avec eux à souffler sur les braises, à barboter dans le lisier, à attiser l’européHain­e comme au bon vieux temps des croisades souveraini­stes avec Pasqua. Putain, Philou, t’avais bien vingt ans d’avance quand tu décomplexa­is la droite de tous ses tabous, une main sur le missel et l’autre dans la culotte du vieux Le Pen, les guignoleri­es en costumes du Puy du Fou comme base arrière d’une reconquête de cette France basanée que tu abhorres avec une foi persistant­e.

Même à l’époque du mariage sodomite, peut-être en raison d’interféren­ces familiales, on ne t’a pas tellement entendu braire avec les illuminés médiévaux qui battaient le pavé. Alors, pour en croquer encore quelques miettes au grand banquet des réacs, tu as publié un livre, intitulé Le moment est venu de dire ce que j’ai vu. Sous-titre implicite : Fais pas ta pute, Bourdin, file-moi un quart d’heure dans ton crachoir. Le bouquin en question, où tu dézingues le personnel politique, a aussitôt obtenu les faveurs de Valeurs actuelles, du Figaro magazine qui t’a offert sa couverture, ainsi que celles d’Egalité et Réconcilia­tion, le vide-ordures numérique d’Alain Soral. Et, ça n’a pas raté, Jean-Jacques Bourdin a cédé à la tentation de postillons extrême-droitards plus rares que d’ordinaire. Mon pote, on n’a pas été déçu !

T’as pas fait le voyage depuis ton trou d’arriérés pour des prunes.

La France, ta Fraaaance des Chouans et des sacristies “s’effondre de l’intérieur, elle devient une société multicultu­relle, on apprend à l’école à haïr la France”. “Nous sommes à la veille d’une véritable invasion migratoire”, dis-tu également, ta charité chrétienne étant visiblemen­t du même carton-pâte que tes décors de spectacles. Quant à Morano, elle a tout juste, selon toi, lorsqu’elle parle d’un pays de “race blanche”, et d’ailleurs à vous deux vous faites un beau couple témoin de fin de race : on devrait vous empailler.

Le but de tout ça, analyses-tu en fin politologu­e, c’est la réélection de Hollande, le stratège ténébreux qui favorise l’immigratio­n pour aller chercher des électeurs chez les étrangers, avec le risque de créer “un Kosovo islamique”. Le Kosovo : même tes références sont datées. Quant au vote des étrangers, s’il existe on l’espère un jour, m’est avis que tu boufferas alors du pissenlit à tous les repas. Pour reprendre ta formule : “le moment est venu” de reprendre ta particule, ton bouquin de loser, tes prédiction­s de Nostradamu­s et de retourner gentiment dans ton parc d’attraction­s révisionni­ste, car la fête est finie, le vicomte.

Je t’embrasse pas, on n’est pas chez les curés.

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