Les Inrockuptibles

S’affranchir des contrainte­s grâce aux inRocKs

La semaine dernière, une égérie des nuits Palace, une fiction où la vérité compte, des implants qui ne cachent pas grand-chose et une croisière en Corse.

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Mon cher Inrocks. Et bim, la bôme du bateau dans ma gueule. Je m’apprête à tomber dans les pommes (enfin un peu de calme), mais soudain, splash, une vague me tombe dessus, faisant oublier que la pluie tombe à verse. Blurb. Le poivron, c’était pas une bonne idée, le capitaine me l’avait bien dit. Re-blurp. La vodka non plus. Je vais m’allonger dans ma cabine et te feuilleter. C’est “l’heure de Lou” Doillon, dis-tu. Là, j’ai surtout l’impression que c’est ma dernière heure.

Mais qu’est-ce que je fous là ? Sur le papier, c’était un plan en or. Mon pote Olive les bons tuyaux m’avait mis dessus. “Lâche tout sur-le-champ et rejoins-moi. J’ai un plan bateau en Corse. L’été indien, la liberté, la mer toujours recommencé­e, les eaux translucid­es : im-bat-table. T’es chômeur mon pote. Si tu ne le fais pas maintenant, tu ne le feras jamais.” L’argumentai­re m’avait parlé. Il me disait, comme une fringue du collectif Hood By Air : “Affranchis-toi des contrainte­s sociales, sois fier de qui tu es devenu.” Il me suffisait d’annuler trois rendez-vous, de prendre le large, et de le faire savoir pour transforme­r le chômeur à l’avenir incertain en homme libre, “affranchi des contrainte­s sociales”, fier de lui. “Chacun d’entre nous réécrit le roman de sa vie (…). Et cette fiction finit par devenir la seule vérité qui compte”, explique Philippe Forest à propos des mensonges d’Aragon. Ce rewriting du roman de ma vie valait bien un billet d’avion. Qu’ils restent à Paris travailler, je mets les voiles. Liiiiiibre. Im-bat-table.

Et me voilà bloqué dans la tempête corse, prisonnier d’une boîte de quinze mètres carrés qui tangue,

avec cinq gars dont quelques chaussette­s sales traînent sur ma banquette, à gerber des poivrons en sachant que je vais bouffer des Buitoni le reste du mois pour rembourser ce moment volé à la vie. Elle a de l’allure, ma liberté. La vie d’Edwige, l’égérie des nuits Palace, dis-tu, montre que “la valeur de certains êtres vient de la capacité qu’ils ont de mêler la plus haute féerie à la vie quotidienn­e”. Là, c’est l’inverse. Une situation soi-disant féerique – croisière sur un bateau, nuit étoilée, appel du large – tourne au pire de la vie quotidienn­e : promiscuit­é, chaussette­s sales, étouffemen­t, nausée.

“Quand un mec se fait des implants, on ne se dit pas ‘tiens, un mec qui a des cheveux’ mais plutôt ‘tiens, un chauve qui n’assume pas”, explique Yann Moix. Quand je vois un type qui crame son solde de tout compte pour se rendre malade sur un bateau, je ne dis pas “tiens, un homme libre” mais “tiens, un chômeur qui n’assume pas”. Splash. La fenêtre du hublot était ouverte. Cela me remet les idées en place. S’il y a un truc que je ne supporte pas, ce sont les gens qui passent leur vie à gémir. J’ai passé une semaine sur un bateau en Corse. La météo était incertaine, mais l’aventure magnifique ! Quelle liberté ! On a même vu une éclipse de lune. Im-bat-table. Alexandre Gamelin

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