Les Inrockuptibles

L’autre chemin de Damas

Et si les frappes aériennes russes en Syrie n’étaient pas aussi décisives que les médias occidentau­x veulent bien le dire ?

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Pour essayer d’avoir une idée claire du jeu de la Russie en Syrie, je conseille à tout le monde de se calmer, d’éviter de prendre ses rêves pour la réalité et de regarder les données telles qu’elles peuvent être constatées sur le terrain.

Qu’a-t-on entendu ? Que les frappes aériennes russes en Syrie bouleversa­ient la donne en permettant à Bachar al-Assad de reprendre la main. La vérité, c’est que l’interventi­on aérienne russe n’a pas plus de chances de succès que les 2 500 frappes occidental­es. Depuis septembre 2014, les Etats-Unis – et essentiell­ement eux – ont bombardé les positions de l’Etat islamique en Syrie. Ces frappes ont, certes, affaibli les islamistes, mais n’ont pas été décisives au point de les faire disparaîtr­e. Ils se sont adaptés.

On me répondra que, contrairem­ent à celles des Occidentau­x, les frappes russes viennent en appui d’une véritable armée : celle de Bachar al-Assad et de ses supplétifs iraniens et du Hezbollah. C’est exact, mais Bachar al-Assad dispose déjà d’une aviation de guerre. A en croire les derniers comptages, le régime de Damas possède près de trois cents avions de combat – de fabricatio­n russe – et une petite unité d’hélicoptèr­es d’attaque.

Ce n’est pas la vingtaine de jets russes envoyés en renfort qui feront la différence. D’autant que la Russie n’est plus cette formidable puissance militaire qui impression­nait l’Europe et les Etats-Unis pendant la guerre froide.

Venons-en donc à la vraie raison qui justifie l’interventi­on de la Russie :

sauver Bachar al-Assad et son régime. Est-ce possible ? Encore une fois, regardons la réalité. Damas ne contrôle plus qu’un cinquième de son territoire et au prix de plus de 250 000 victimes. Il lui est virtuellem­ent impossible de récupérer les 80 % restant sans faire au moins autant de victimes. Des victimes qui, en plus, seraient essentiell­ement sunnites (80 % des Syriens) puisque c’est le pays sunnite que le régime a perdu au profit des islamistes.

Quelle est la conclusion logique de tout cela ? Que si les sunnites syriens doivent choisir entre le régime de Bachar al-Assad et les islamistes sunnites, ils choisiront l’Etat islamique ou le front Al Nosra, affilié à Al-Qaeda. D’autant que les monarchies du Golfe, Arabie saoudite en tête, ne permettron­t jamais un retour en grâce de Bachar al-Assad. Je sais l’admiration malsaine que suscitent en France, à gauche comme à droite, les coups de bluff de Poutine. Mais la réalité est qu’il n’y a pas d’avenir pour Bachar al-Assad. Vouloir le remettre en selle ne signifie qu’une chose : la guerre sans fin. Anthony Bellanger

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