Les Inrockuptibles

Les chefs cultivent leur jardin

C’est une tendance forte du Danemark aux Etats-Unis, et jusqu’à Paris : Pierre Gagnaire propose un menu locavore avec des légumes élevés “comme des enfants”.

-

Lbouche ’article a fait le tour de la planète foodie. Dans le New York Times, le cuisinier danois René Redzepi a annoncé la fermeture de son restaurant Noma, élu plusieurs fois meilleure table du monde. Ce sera le 31 décembre 2016… avant réouvertur­e en 2017 sous la forme radicaleme­nt neuve d’une ferme urbaine. Au programme dans ce repaire de Christiani­a, quartier hippie historique de Copenhague, une serre sur le toit, une équipe de fermiers à plein temps, et l’ambition de servir un menu toujours aussi pointu avec un maximum de légumes produits sur site au fil des saisons.

Dan Barber, dans la vallée de l’Hudson, a déjà inauguré le concept du grand restaurant-ferme avec Blue Hill at Stone Barns. Le Parisien Alain Passard possède ses propres jardins dans la Sarthe et l’Eure, Sang-Hoon Degeimbre cultive herbes et légumes au milieu de nulle part en Wallonie… Mais Redzepi, à la fois chef de grande classe et redoutable communican­t, pourrait mener l’idée au stade supérieur. Son atout ? Sentir là où souffle le vent. Or, l’air du temps est fait de racines et d’humus, de fantasmes locavores, d’urbanité twistée. Une manière pour les chefs de prôner l’humilité et la responsabi­lité après l’hyper-personnali­sation de la cuisine d’auteur ? L’un n’empêche pas forcément l’autre.

S’effacer derrière le produit – et la nature – est devenu un style en soi,

propre à toutes les interpréta­tions. Pierre Gagnaire, par exemple, propose jusqu’à mi-octobre dans son restaurant parisien triplement étoilé un menu spécial autour des légumes de M. Yamashita. Ce Japonais installé dans une fermette à quarante kilomètres de Paris, éleveur de bonzaïs viré maraîcher star, utilise des graines de son pays d’origine, ne fournit que les chefs de son choix (il vient de se séparer de William Ledeuil, de Ze Kitchen Galerie) et propose des légumes d’une puissance rare.

Voyant son implicatio­n à les élever “comme des enfants” (dixit Gagnaire), on lui demande s’il leur parle. Il répond qu’il les écoute. Ses navets sont durs à cuire mais fulgurants. Grâce au tour de main du chef, une simple carotte fumée au foin vole haut. “J’écris un poème avec mes légumes, dit Yamashita, Gagnaire fait de la musique et ceux qui mangent chantent.” Le futur des restaurant­s sera bucolique ou ne sera pas. Olivier Joyard Restaurant Pierre Gagnaire 6, rue Balzac, Paris VIIIe

 ??  ?? Concombre kyuri-kikkaédama­méshiso
Concombre kyuri-kikkaédama­méshiso

Newspapers in French

Newspapers from France