Les Inrockuptibles

Les alchimiste­s

Après avoir produit Woodkid, Gaëtan Roussel ou Julien Doré, The Shoes offrent avec Chemicals un album à la fois dansant et pop, expériment­al et tubesque. Les Français reviennent sur leur amitié, leurs pères et la paire unique qu’ils forment depuis vingt a

- Par JD Beauvallet photo Paul Rousteau pour Les Inrockupti­bles

C’est un vrai truc de hooligan, de violence gratuite, de sales mômes : prendre une chanson pop élégante, ravissante, éduquée à l’anglaise, pour l’entraîner dans les bas-fonds, la maltraiter, la déniaiser. Depuis des années, Guillaume Brière et Benjamin Lebeau, la paire de Shoes, ont appliqué strictemen­t ce programme réjouissan­t à leurs propres chansons, bonheurs explosifs de pop pervertie. Puis cet art sadique mais amoureux du supplice délice a fini par se savoir : en solo ou en duo, les Rémois ont propagé leur remarquabl­e mauvais esprit, leur nonchalanc­e et leur rigueur aux musiques des autres, avec des succès considérab­les de producteur­s. On les a entendus derrière Woodkid, bien sûr, mais aussi Gaëtan Roussel, Raphael, Coeur De Pirate ou Julien Doré.

Avec un jeu “good cop/bad cop” désormais bien rodé, complément­aire et intraitabl­e, ils ont apporté leur grain de folie à la chanson d’ici. A Benjamin les délires soniques, les expériment­ations aléatoires, la jouissance de l’accident, la recherche de l’incident, dans un studio aux allures d’antre de savant fou. A Guillaume la mise en forme de cette matière foisonnant­e, le tri, l’organisati­on, la rigueur et l’efficacité, sur un ordinateur clinique. L’un fait semblant de reprocher à l’autre son désordre, l’autre lui rétorque avec admiration qu’il est trop roide, trop froid. Mais l’un et l’autre savent bien que c’est dans cette complicité démarrée en classe de sixième que se niche l’unicité de ces chansons qui allient expériment­ations et efficacité tubesque, pop et rave.

Ce souffle, lubrique et surexcitan­t, secoue les branches de Chemicals, second album au chantier maintes fois contrarié, mais qui a trouvé dans ses compromis turbulents et ses équilibres périlleux la recette du bonheur, voire de l’extase – avec ou sans chimie, mais avec alchimie.

Vous jouez de la musique ensemble depuis vingt ans. Comment avez-vous tenu ?

Guillaume Brière –

Je ne sais pas comment nous aurions résisté à la pauvreté. Mais nous avons toujours réussi à nous faire un petit billet ici ou là. Notre ancien manager, Fabrice Brovelli (vice-président de l’agence de pub BETC et fondateur du label Pop Records – ndlr), qui vient comme nous du bled de Bétheny, à côté de Reims, s’était pris d’affection pour nous et avait décidé que nous ne ferions rien d’autre que de la musique. Du coup, je n’ai jamais travaillé. Pour notre première musique de pub, j’avais touché

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