Fatima de Philippe Faucon
L’auteur de La Désintégration filme la pulsion de vie d’une mère, femme de ménage et immigrée, dans un réalisme épuré.
Depuis plus de vingt ans, Philippe Faucon poursuit son chemin de cinéaste exigeant, lumineux, mais parfois trop à l’écart des autoroutes du succès et de la reconnaissance. Faucon est de ces cinéastes obsessionnels qui déclinent de film en film le même sillon esthétique et thématique : la jeunesse d’une part, les Français issus de l’immigration d’autre part, parfois les deux fondus ensemble, sujets d’un regard qui combine la finesse psychologique et la simplicité dépouillée de la forme. Pas de naturalisme moralisateur chez Faucon mais un réalisme épuré qui va ausculter la complexité du réel au-delà des apparences simplistes et des jugements hâtifs. Un cinéma prophylactique qui devrait être remboursé par la Sécu en ces temps de dévissage identitaire d’une partie de nos “intellectuels” et politiciens.
Prenons ainsi Fatima, héroïne éponyme de son nouveau film : mère de famille quinqua, femme de ménage, musulmane, élevant seule ses deux filles de 15 et 18 ans, parlant mal le français. Un tel personnage pourrait facilement revêtir la peau d’une victime, soumise aux périls de la montée du rigorisme islamique, ou de la ségrégation, ou de sa condition sociale, ou de tout à la fois…
Faucon préfère en faire une battante, une femme qui trime pour un mince salaire dans le but de financer les études de ses filles, une croyante dont la foi est intime et non un modèle à imposer aux autres, un être qui n’a pas fait d’études mais écrit des poèmes pour transcender la grisaille de son quotidien et mettre des mots sur ses pensées et sentiments. Les deux filles de Fatima sont nées en France, parlent parfaitement le français, s’habillent et vivent à l’occidentale.