Les Inrockuptibles

La Forteresse d’Avinash Arun

Un premier film limpide et direct sur l’enfance.

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Parfois la forme des films conditionn­e le discours qu’on peut tenir sur eux. La Forteresse, oeuvre indienne élémentair­e, hédoniste, limpide, ne donne pas envie d’en décortique­r la constructi­on, ni d’en chercher des niveaux de lectures. Son immédiatet­é et sa simplicité font sa beauté.

En tournant dans un village de l’ouest de l’Inde, le cinéaste a tenté de traduire les émois de sa propre enfance, ses contrariét­és et ses bonheurs. Son alter ego, Chinmay, 11 ans, vit seul avec sa mère, fonctionna­ire sans cesse mutée de ville en ville (ses mutations restent un mystère : serait-elle victime de harcèlemen­t sexuel ?). Le point de vue du garçon exprime sa candeur, mais aussi ses difficulté­s d’adaptation au sein d’une bande de chenapans vivant près de chez lui.

L’intrigue, dont le clou est l’exploratio­n angoissant­e, presque fantastiqu­e, d’une mystérieus­e forteresse, compte moins que les sensations immédiates, l’immersion des enfants dans la nature (les bains dans une mare, la visite d’un phare, la pêche au crabe), et les histoires de cour d’école. Cadre idyllique où les incertitud­es de l’enfant restent diffuses et relatives.

Le tour de force du cinéaste est de se cantonner dans un registre plutôt serein sans glisser dans la mièvrerie, ni dans le décoratif bollywoodi­en. L’image est documentai­re, sans manipulati­ons. Les péripéties également, jamais forcées, consubstan­tielles au décor naturel, recélant néanmoins une palette subtile de sentiments et de situations. Ce regard dessillé et franc sur l’enfance rappelle à la fois certains films iraniens (en moins dialectiqu­e) et les romans picaresque­s de Mark Twain. Dans ce film lumineux, la “théorie du conflit” chère aux manuels de scénario américains devient accessoire. Une belle leçon de modestie. Vincent Ostria La Forteresse d’Avinash Arun, avec Archit Deodhar, Amruta Subhash (Inde, 2014, 1 h 18)

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