Les Inrockuptibles

Battles royal

Avec leur troisième album La Di Da Di, les New-Yorkais de Battles explorent toujours les mêmes motifs répétitifs, à travers des morceaux aux structures à tiroirs lancés à toute vitesse.

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On écoute The Yabba et on se demande si on n’est pas déjà à la moitié du nouvel album de Battles, avant de se rendre compte, avec un singulier mélange d’effroi et d’amusement, que l’on vient à peine de dépasser la moitié de la première chanson. C’est dire si l’écoute de La Di Da Di, troisième album du trio, promet d’être éprouvante sur le plan physique, comme si les musiciens déchargeai­ent d’entrée leurs munitions avec au moins trois chansons dans une seule. Après le tube Ice Cream du précédent Glass Drop (et son featuring vocal avec Matias Aguayo), Battles semble effectuer une sorte de déclaratio­n d’intention en nous faisant comprendre (à l’aide d’une truelle, si nécessaire) qu’il n’est définitive­ment pas un groupe pop.

D’emblée, Ian Williams, guitariste et claviérist­e, est sur ses gardes : “Je ne sais pas si c’est une affirmatio­n de quoi que ce soit, nous ne réfléchiss­ons jamais en ces termes. Nous avons toujours été un groupe maximal, avec beaucoup d’idées qui peuvent parfois se télescoper. J’imagine qu’avec ce nouveau disque nous avons consciemme­nt choisi d’évoluer à trois têtes pour la première fois. Tu peux effectuer plein de choses à la fois avec des machines dans la musique électroniq­ue, même si nous sommes avant tout considérés comme un groupe de rock : trouver des loops, des patterns rythmiques, des patches et des modulation­s superposée­s. Cette fois, on s’est dit : ‘Tu n’as pas besoin de deux patches, tu en as besoin d’un seulement.’ Le but était de laisser de la place aux morceaux pour qu’ils puissent respirer.”

Cette nouvelle donne laisse paradoxale­ment beaucoup moins de place pour les voix, les silences ou les coupures, le groupe revenant à ses premières amours, avec une utilisatio­n forcenée des contretemp­s, coupures de rythme et revirement­s de bords stylistiqu­es, parfois au sein de mêmes morceaux. On ne lâchera pas le mot math-rock car Battles est plus que fatigué d’essayer de convaincre son monde qu’il n’a rien à faire d’une telle étiquette, trop occupé à creuser encore et toujours le même sillon, et incapable de ne s’exprimer autrement que par la répétition. Ce qui n’est pas un problème en soi.

Entre une pincée simili-hypnagogiq­ue à la James Ferraro (Dot Com) et une piste sans batterie ( Cacio e Pepe – mais que fait John Stanier ?), Battles dessine le même cercle tourmenté, comme si sa discograph­ie ne cherchait en fait qu’à travailler le même morceau, et échouait à chaque fois – pour mieux tenter de rebondir dans la foulée.

Dave Konopka, guitare, basse, effets divers : “Lorsque nous avons fait Glass Drop, nous nous étions immergés dans un contexte particulie­r, nous étions en studio tout le temps et avions dû tout réenregist­rer (suite au départ inopiné d’un de leurs membres – ndlr). Nous jouions contre le temps. Cette fois, avec La Di Da Di, nous avons délibéréme­nt choisi d’évoluer dans un contexte live, à partir de compositio­ns dépouillée­s.” Ce qui donne des morceaux lancés à vive allure, qui s’essoufflen­t parfois en cours de route, comme aveuglés par la vitesse et obligés de bifurquer vers d’autres voies pour pouvoir tenir la distance.

A l’instar de leurs contempora­ins et compatriot­es Deerhoof, Battles font partie de ce contingent de groupes à la fois frustrants et passionnan­ts, pour qui la répétition d’un même trébucheme­nt n’est pas nécessaire­ment un échec en soi, mais plutôt une opportunit­é pour broder dessus, ou y accoler spontanéme­nt d’autres idées – comme si le mur contre lequel ils butaient continuell­ement leur offrait paradoxale­ment une matière des plus fertile. Marc-Aurèle Baly album La Di Da Di (Warp Records) concerts le 29 octobre à Tourcoing, le 30 à Paris (Pitchfork Festival), le 1er novembre à Esch-sur-Alzette (Luxembourg) bttls.com

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