Les Inrockuptibles

La mélodie du malheur

Avec Yan Duyvendak annonce la fin du monde en forme de comédie musicale.

-

Sound of Music,

Prenez un sujet grave et donnez-lui une parure flamboyant­e afin d’en adoucir la portée. Peut-être en restera-t-il quelque chose : un message, un remuement de la conscience. C’est ainsi que Yan Duyvendak conçoit généraleme­nt ses performanc­es. Et quel sujet plus sérieux que la fin du monde, thème central de sa création Sound of Music, une comédie musicale chorégraph­iée par Olivier Dubois, écrite par Christophe Fiat à partir d’articles de presse et composée par Andrea Cera ? “Après le 11 septembre 2001, je me suis dit, il faut arrêter de rigoler. Même si ce sont toujours des figures médiatique­s qui m’intéressen­t, la question centrale reste : ‘qu’est-ce que j’apprends par les médias sur le monde et comment je résiste et vis avec ça ?”

Si Sound of Music était une chanson, le suicide en serait le refrain et les couplets la liste de ses causes : les ouvriers de l’usine d’iPhone qui se donnent la mort, les infections banales qui redevienne­nt mortelles, les déchets plastiques qui envahissen­t les océans, le pourcentag­e en hausse constante du suicide des jeunes... La distorsion entre la noirceur du message et la forme divertissa­nte et colorée de la comédie musicale témoigne de la désinvoltu­re avec laquelle l’humanité court à sa perte. Un suicide collectif amplement documenté par le flux continu d’informatio­ns qui contribue à la confusion générale : dans la vie comme sur le plateau de Sound of Music, trop d’informatio­ns tue l’informatio­n – même les plus sombres des prédiction­s des scientifiq­ues selon lesquelles, si rien n’est fait pour contrecarr­er la logique suicidaire de la surconsomm­ation, les conditions sont remplies pour que la civilisati­on humaine s’effondre d’ici 2040 et les systèmes écologique­s à l’horizon 2100.

Peut-être faut-il risquer cet effet déceptif sur le public pour saisir l’analogie entre la vie réelle et la prise de conscience à laquelle s’attelle les artistes ? Reste un tableau final magistral où la multitude des danseurs de Broadway et des amateurs qui emplissent la scène donne à l’humanité un visage rayonnant et une vitalité débordante, capable de contrer l’inévitable et d’endiguer le désastre. Fabienne Arvers Sound of Music de Yan Duyvendak, jusqu’au 9 octobre à Nanterre-Amandiers ; les 14 et 15 au Carré-Les Colonnes, Saint-Médard-en-Jalles ; du 27 au 31 au Théâtre de Vidy-Lausanne

Newspapers in French

Newspapers from France