Les Inrockuptibles

Un esprit Averty

A Poitiers, des artistes contempora­ins prolongent l’univers graphique des “mises en pages télévisuel­les” du génial téléaste.

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Rembobinez. Dans la reconstitu­tion d’un petit salon seventies, avec pour fond un papier peint signé Fanette Mellier qui démultipli­e le kaléidosco­pe de la mire télévisuel­le, est diffusée une sélection d’émissions produites entre les années 60 et 80 par le plus génial des “téléastes”, JeanChrist­ophe Averty. De quoi donner le tournis aux usagers de YouTube comme aux adeptes de l’ORTF… Car il y en a pour tous les goûts : de la variète, des clips (pour Montand ou Gainsbourg), des sketches (l’indétrônab­le Professeur Choron des Raisins verts), des comédies musicales et des adaptation­s délirantes mais hautement érudites des textes d’Alfred Jarry, Tristan Tzara, Raymond Roussel ou Jules Verne. Mais si l’exposition du Confort Moderne donne mille raisons de se replonger avec délectatio­n dans cette télévision d’avant-garde, d’un point de vue expériment­al autant que culturel, ça n’est pas le coeur de son projet. Il s’agit plutôt de s’attarder sur l’impact que les “mises en page télévisuel­les” d’Averty ont produit chez une jeune génération d’artistes.

L’utilisatio­n massive et tous azimuts des techniques de surimpress­ion, d’incrustati­on, de collages et de découpages dont Averty et son fidèle associé Max Debrenne firent une cure de jouvence, constitue évidemment une bonne passerelle. Ainsi dans l’exposition des deux production­s – autonomes – des frères Dezoteux, Arnaud donne à voir le décor d’un film d’heroic fantasy : le fond bleu des premières techniques illusionni­stes (très prisées par Averty) a cédé la place au fond vert d’incrustati­on. Déjà activé à deux reprises, avant de l’être au Confort Moderne, ce fond garde les stigmates des tournages comme en témoignent les indication­s au scotch rouge qui permettent aux acteurs gesticulan­t devant un fond monochrome de se repérer et de s’inscrire dans ce décor qu’ils ne voient pas.

Bertrand, de son côté, produit un film magistral, qui modélise un ensemble de sculptures issues du ballet Parade conçu en 1917 par Picasso, Cocteau et Satie (adapté pour la télévision en 1980 par Averty) et met en scène ces personnage­s claudicant­s ou grinçants dans un improbable ballet mécanique qui évolue sous un ciel étoilé de la Nasa.

Accompagné­e du compositeu­r Nick Hallett, l’artiste américaine Shana Moulton n’est pas en reste qui, comme Averty en son temps, laisse apparentes les grosses ficelles, jouant dans son film du trompel’oeil et de multiples supercheri­es sans jamais tout à fait berner son monde. Une poésie du fake que l’artiste américaine applique à l’univers domestique et aux activités (yoga et fitness principale­ment) de son double, Cynthia.

L’humour est certaineme­nt l’autre pont qui unit cette génération d’artistes au facétieux Averty. Chez Brice Dellsperge­r, par exemple,

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