Les Inrockuptibles

Cabu à dessin

Un portrait touchant et élégiaque du dessinateu­r de Charlie Hebdo, tourné les deux dernières années de sa vie.

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Rire de tout et tout le temps : ce principe inconditio­nnel, que rien, sinon un assassinat, ne pouvait altérer, a guidé la vie entière de Cabu. Ce principe traverse précisémen­t le portrait incarné qu’en a fait Jean-Marie Pasquier dans un documentai­re élégiaque, retraçant les événements de sa vie, revenant sur les lieux fétiches de son existence et les traces de tout ce qui l’a constitué comme dessinateu­r. Par-delà son ethos écologiste, libertaire, antimilita­riste, par-delà tous ses personnage­s familiers (le Grand Duduche, le Beauf…), ce que Cabu moquait avant tout était l’arrogance des puissants ne doutant de rien.

De son enfance à Châlons-enChampagn­e, dans une famille un peu rigide, de ses années lycée à Epernay, de sa rapide politisati­on dans une France bourgeoise et figée, il tira les ressources pour s’inventer comme l’un des plus grands dessinateu­rs satiriques de sa génération, dès ses premières armes à L’Union de Reims, avant ses grandes années, dès le début des années 60 à Hara-Kiri, puis à Charlie Hebdo et au Canard enchaîné. Jean-Marie Pasquier, qui au départ suivait Cabu pour réaliser un film sur la liberté d’expression, restitue par petites touches les traits du dessinateu­r, dont tous ses proches reconnaiss­ent l’autorité, les intuitions journalist­iques toujours justes, la capacité à mettre en scène les unes de Charlie...

Charb avouait alors, au nom de sa génération :

La matière consignée durant ces mois de tournage à ses côtés, notamment lors de ses visites à des politiques (dont François Hollande) pour défendre la cause des journaux, nourrit entièremen­t le film, sauf que le destin lui confère inévitable­ment une dimension mélancoliq­ue. Comment se dire que tout ça – sa vie, sa gentilless­e, sa drôlerie, son humilité, son travail acharné, sa lucidité – a disparu un matin ? Lui qui, riant de tout, n’assénait jamais de leçon !

Au coeur du film, Cabu s’épanche, rapidement, discrèteme­nt, pour confesser que les dessins, au fond, ne sont qu’un “passe-temps”. “On s’étourdit pour ne pas penser à la mort.” “Que faire d’autre ?”, ajoute-t-il. Plus loin, on le voit plié de rire à l’écoute d’un vieux sketch de Coluche. C’est dans cet écart entre l’aveu d’une angoisse et la pulsion de joie que le film traduit une vérité saisissant­e de Cabu, compagnon de route irremplaça­ble. Jean-Marie Durand

de Cabu.”

“On est tous des enfants

Tu t’es vu sans Cabu ? documentai­re de Jean-Marie Pasquier. Mercredi 7, 20 h 45, Paris Première

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