Kyle Craft

Premier album stupéfiant de la nouvelle sensation de la scène folk de Portland. Entre Bowie et Dylan, son coeur balance.

Il faut être un savant fou ou un coeur pur pour tenter une hybridation entre le glam anglais et le rock sudiste, sans que le mélange hétérogène ne vous pète à la figure. C’est pourtant ce que vient de réussir superbement l’Américain Kyle Craft. Coup de maître ou coup de grâce, ce blondinet (sosie de Beck) livre un premier album en forme de noces entre Blonde on Blonde et Ziggy Stardust. Un Ziggy romantique qui, au lieu de se plonger dans Orwell, aurait passé ses nuits à chouiner en lisant Rimbaud.

Le songwriter originaire de Louisiane sert sans grumeaux, sur douze titres, son impeccable tambouille, chapardant tout ce qu’il peut à ses maîtres : pianos martelés de Ch-Ch-Changes sur Berlin, embardées dylaniennes ( Jane Beat the Reaper, Balmorhea) ou cueillette dans les champs de fraises des Beatles (Trinidad Beach (Before I Ride).

Un talent de copiste qui ne serait que fioriture s’il n’était doublé d’un sens inouï de la mélodie. Ce bon vieux Ryan Adams tuerait père et mère pour pouvoir encore trousser des mélopées comme Lady of the Ark ou Three Candles. Il y a chez Craft une candeur toute sudiste qui a depuis longtemps déserté la musique de l’ancien Whiskeytown.

Dolls of Highland est aussi un disque hanté par les femmes. Première d’entre elles, cette ex du lycée avec qui le musicien a vécu huit ans. La rupture a précipité son départ de Louisiane pour Portland, Oregon, la nouvelle Mecque du rock indé. De sa terre natale, le jeune barde a gardé un goût prononcé pour les pianos saloon (Eye of a Hurricane) et les orgues crasseux. Et puis il y a cette voix, tour à tour tapissée de vinaigre, de verre pilé ou de velours de soie, qui ose les vocalises les plus casse-gueule.

Légèrement control freak, Craft a intégralement composé, produit et enregistré ce premier album, et y joue la quasitotalité des instruments. C’est dire si le gamin est doué. Romain Burrel