Les Inrockuptibles

Permis de rien

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Filmée avec une distanciat­ion assez humoristiq­ue, une auto-école de Téhéran s’avère un parfait microcosme de la société persane. Elle permet à la réalisatri­ce Négar Zoka de dire quelques petites choses bien senties sur le statut de la femme et sur la jeunesse en Iran, et sur le rapport des Iraniens avec la loi et la religion. Le film est ponctué de grands slogans solennels affichés dans les rues : autant de voeux pieux que les Iraniens, peuple pragmatiqu­e et décontract­é, ne semblent pas prendre très au sérieux.

Il ressort en effet de cette immersion dans le monde de l’apprentiss­age automobile que le système D et les petits arrangemen­ts avec les diktats politiques sont les vraies normes du pays. D’où un climat plutôt bon enfant, qui peut aussi avoir des conséquenc­es néfastes. Par exemple, comme le rappelle le directeur de l’auto-école, le taux record d’accidents mortels sur les routes iraniennes. Pas très étonnant lorsqu’on apprend que les automobili­stes

documentai­re de Négar Zoka. Samedi 4, 23 h 20, Public Sénat

Le quotidien d’une auto-école de Téhéran et ce qu’elle révèle de la société iranienne

sans permis sont légion (un élève déclare qu’il conduit en douce en dehors de l’auto-école). Par ailleurs, il y a les conditions d’apprentiss­age de la conduite. Le fait par exemple que les moniteurs soient contraints d’employer leurs propres véhicules pour donner des leçons. D’où une légère tendance à se préoccuper plus de la carrosseri­e de leur auto que des progrès de leurs élèves.

Mais l’aspect le plus plaisant du documentai­re réside dans ses points communs avec de célèbres films iraniens, plus particuliè­rement ses séquences tournées en auto. On pense immanquabl­ement à Taxi Téhéran de Jafar Panahi – dont ce doc partage la cocasserie – ou à Ten et au Goût de la cerise d’Abbas Kiarostami. Négar Zoka, qui se met en scène dans le film, vit en France. Elle est très occidental­isée et se plie difficilem­ent aux règles coraniques (elle a du mal à maintenir ses cheveux dans un foulard). Pourtant, elle a retrouvé naturellem­ent l’art persan de la palabre, que met en valeur le huis clos automobile. Vincent Ostria

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