Les Inrockuptibles

Intérieur nuit

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film de Marvin Jouno et Romain Winkler. Dimanche 5, 0 h 20, France 4 Coqueluche de la chanson française, le musicien Marvin Jouno est également, comme le prouve ce film, un pro de la caméra, devant autant que derrière.

Ana (Tina Dalakishvi­li) et M (Marvin Jouno) se rencontren­t à l’ombre d’un mystérieux régime autoritair­e, quelque part en Europe de l’Est (le tournage a eu lieu en Géorgie). Tout commence comme un polar, avec un hacker qui menace de révéler des infos sur la corruption du gouverneme­nt. Et puis, on bascule dans une romance totale, avec son lot de passions mises en scène dans la rudesse de l’hiver. Ana et M marchent au milieu des grands ensembles, se perdent dans les chemins neigeux, s’oublient dans une piscine – les débuts amoureux dans leur plus simple expression, avec à peine quelques mots et beaucoup de musique. Les dialogues reviennent quand disparaît l’insoucianc­e, nos deux héros étant évidemment rattrapés par l’impossibil­ité de l’amour, la violence du monde, les autres, ce genre de choses.

Marvin Jouno a décidé de ne pas choisir entre la musique et le cinéma, dans lequel il a exercé comme décorateur pendant une dizaine d’années. Ainsi, son premier album est aussi devenu son premier film, ou plutôt la BO d’une mise en image elle-même inspirée de l’album en question. Serpent qui se mord la queue, oeuvre binaire aux dialogues indépendan­ts, tour de force au sein d’industries souvent cloisonnée­s, Intérieur nuit est un objet multiple à écouter-voir selon l’humeur : en onze chansons d’un côté, dans un moyen métrage de l’autre, réalisé avec Romain Winkler.

En février, alors que l’album était sur le point de sortir, Marvin Jouno nous disait ceci : “J’ai vite compris que je ne m’y retrouvera­is pas dans le cinéma. Avec la musique, je me fais mes films tout seul. Dès l’écriture des morceaux, je pose des décors dans ma tête. C’est chaque fois une nouvelle ambiance, une nouvelle lumière.”

Pendant quaranteci­nq minutes, il nous invite donc dans sa tête, où les images et les sons ne forment qu’un unique matériau et racontent, avec une belle économie de moyens, des histoires simples mais universell­es. Maxime de Abreu

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