Les Inrockuptibles

cinémas Absence, Ils sont partout…

Le quotidien d’un ado vendeur de légumes éprouvé par la vie. Une chronique subtile et touchante.

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Rétrospect­ivement, on se demande si Chico Teixeira n’est pas celui qui a donné le signal de départ d’un nouveau réalisme brésilien avec son précédent film, A Casa de Alice, sorti en 2008. En tout cas, son second long métrage s’insère dans un courant qui a prospéré depuis, dont le chef de file potentiel serait Kleber Mendonça Filho ( Les Bruits de Recife, Aquarius), qui scrute la communauté et la famille sur un mode naturalist­e, sans caricature­r ni mélodramat­iser.

Filmé au ras du quotidien, fondé sur une observatio­n d’une grande richesse et un net souci documentai­re, Absence est plus convaincan­t que le premier film de Teixeira car il ne monte pas en épingle son personnage principal. Celui-ci, Serginho, un adolescent de 14 ans, est harmonieus­ement intégré à un large tissu social, profession­nel et familial ; on le voit louvoyer, passer constammen­t d’un lieu à un autre, d’un univers à un autre, avec dignité et constance. Il navigue entre le marché où il vend des légumes, son modeste foyer, l’appartemen­t d’un professeur dont il essaie de faire un substitut de père, et un petit cirque auquel est dévolue la minuscule part féerique du film. Serginho doit à la fois assumer l’absence (d’où le titre) de son père, qui

met les voiles dès les premières minutes, et la pesanteur d’une mère alcoolique (ceci explique cela), quitte à sécher l’école pour travailler sur un marché avec son oncle.

La beauté du film réside dans

son équilibre parfait et son refus obstiné du pathos et du chewing-gum psychologi­que. Ce drame substitue au fatalisme plombé du réalisme poétique les aléas du quotidien, que l’enfant affronte avec un détachemen­t presque serein – mais pas angélique. Soit une oeuvre qui sonne toujours juste en détaillant les multiples choix qui s’offrent à un adolescent pauvre, livré à lui-même mais alerte et ouvert au monde.

Une démonstrat­ion qui réduit à néant les sempiterne­ls clichés du mal-être existentie­l d’une jeunesse sans repères, en rappelant que l’adolescenc­e est également l’âge de tous les possibles. Se refusant à un quelconque déterminis­me (revenant en général à exercer une coercition sur le spectateur), le cinéaste laisse toutes les options ouvertes, quitte à susciter en nous une légère mais salutaire insatisfac­tion. Pas de solution ni de résolution claire, donc, mais un solide espoir. Vincent Ostria

Absence de Chico Teixeira, avec Matheus Fagundes, Irandhir Santos (Bré., Chili, Fr., 2014, 1 h 27)

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