Les Inrockuptibles

la mode marseillai­se

Ou comment la Phocéenne féminine vient faire un pied de nez à la Parisienne androgyne et (faussement) insouciant­e.

-

La jeune femme ci-contre brille de mille feux et a mis ses bottes de sept lieues. En langage 2016, elle a enfilé une combinaiso­n scintillan­te au dos plongeant et ses fidèles baskets blanches. Elle aime qu’on la voie et elle ne fait pas semblant du contraire. Elle aime aussi être à l’aise : après tout, son après-midi ne consistera pas à enchaîner spritz et selfies dans le Marais mais à aller à la plage en scooter, bronzer, boire du pastis et traîner dehors jusqu’au petit matin.

Parce qu’elle n’est pas parisienne et elle en est fière : marseillai­se 100 % pur jus, elle revendique cette contre-capitale jusqu’à la moindre de ses voyelles chantantes. En adéquation avec elle, la marque locale Charlotte Aire propose ainsi des basiques confortabl­es mais jamais infantilis­ants. Quant à sa créatrice, Charlotte Rekassa, elle appartient à une jeune garde décidée à écrire une histoire de mode alternativ­e au récit dominant venant de Paris.

Marchant dans les pas du jeune couturier à succès Yacine Aouadi, actuelleme­nt exposé au Mucem (Musée des civilisati­ons de l’Europe et de la Méditerran­ée), cette génération s’invite à l’événement Open My Med mis en place par la Maison méditerran­éenne des métiers de la mode, et mettant en avant la création tout autant méditerran­éenne. Là, on y découvre les bijoux inspirés des grigris de plage par Vadi Jewels ou des sous-vêtements à porter comme un T-shirt par Leï 1984.

Ces jeunes pousses ont en commun une vision de la femme radicaleme­nt différente de celle véhiculée par la Parisienne. Si Coco Chanel, Inès de la Fressange et Caroline de Maigret partagent la même minceur fragile doublée d’un chic garçonne et intellectu­el, notre Marseillai­se, elle, jouit d’autres libertés. A commencer par son rapport à la ville. Dans un espace urbain motorisé, elle peut se permette le poom poom short, elle ne risque pas la main aux fesses dans le Noctilien.

Contrairem­ent à la Germanopra­tine, elle ne fait pas semblant de ne pas avoir fait d’effort. Au contraire, s’apprêter est un rituel indiquant un passage entre le travail et la sortie, le jour et la nuit. Femme du Sud, elle s’inscrit plus volontiers dans une binarité genrée. En étant à la fois grande gueule et sexy, elle rejoue et déjoue les rituels de séduction, libre grâce aux outils que snobent les Parisienne­s. Pas convaincu(e) ? Elle si, et d’ailleurs, elle est partie bronzer. Alice Pfeiffer

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France